Oui, l’Allemagne est un colosse aux pieds d’argile et loin de devoir ériger l’Allemagne en modèle absolu, nous ferions mieux certes de nous inspirer de ce qui fonctionne là-bas tout en étant parfaitement conscients des faiblesses intrinsèques au modèle allemand.
Souvenez-vous. En France, nous adorons les modèles des autres. Nous avons encensé le modèle japonais dans les années 90 alors que le Japon venait, en réalité, de commencer une période de déclin dont il n’est toujours pas prêt de sortir, puis nous avons aimé l’Angleterre, puis l’Espagne ou l’Italie et enfin, l’Irlande, que n’a-t-on pas entendu de l’Irlande et du modèle irlandais.
Avec le temps qui est le plus grand des égalisateurs, nous pouvons constater que tous ces modèles ont été des mirages. Il en sera de même pour l’Allemagne qui, malgré ses excédants, va se faire croquer par l’industrie chinoise dans les 4 ans qui viennent, comme ce fut le cas avec l’histoire des panneaux solaires où les entreprises allemandes qui avaient 80 % du marché mondial ont vu, médusées, les Chinois rafler 60 % de parts de marché en moins de… 24 mois !
Charles SANNAT
« L’économie de ce pays est en échec. Sa croissance depuis l’an 2000 est plus faible que la moyenne européenne. Les salaires y ont progressé moins vite, et la pauvreté, en hausse, touche un enfant sur cinq ». Bienvenue en… Allemagne.
Ainsi démarre le portrait de la première économie européenne, dressé par l’économiste allemand Marcel Fratzscher, dans un ouvrage à paraître lundi. Au moment où le modèle allemand est encensé dans le monde entier, le président de l’Institut de recherches DIW, à Berlin, comme d’autres économistes de premier plan, veut en finir avec les clichés aussi flatteurs que « dangereux ».
Son pays est « en déclin » et « vit sur ses acquis », explique-t-il dans « Allemagne, l’illusion » (« Die Deutschland Illusion »).
Le revenu moyen d’un ménage allemand a baissé de 3 % depuis l’an 2000. La baisse a même atteint 5 % pour les 10 % les plus pauvres, souligne-t-il.
Certes, l’Allemagne, considérée comme « l’Homme malade de l’Europe », il y a encore une dizaine d’années s’est redressée depuis la crise financière de 2009. Ses près de 200 milliards d’euros d’excédents commerciaux en 2013 témoignent d’une compétitivité exceptionnelle. Le nombre de chômeurs a chuté de plus de 5 millions en 2005 à moins de 3 millions aujourd’hui. L’amélioration des comptes publics a permis à la chancelière Angela Merkel d’adopter un projet de budget 2015 à l’équilibre au niveau fédéral pour la première fois depuis 1969 !
Mais tout cela ne doit pas occulter « les faiblesses fondamentales de l’économie allemande », notamment son « énorme manque d’investissements ». Ces derniers sont passés de 23 % du Produit intérieur brut (PIB) au début des années 1990, à 17 % aujourd’hui, nettement moins que la moyenne des pays industrialisés (20 %).
Pour M. Fratzscher, « le déclin de l’économie allemande va s’accélérer si on ne change pas fondamentalement la politique actuelle ».
« La bulle Allemagne »
Après de mauvais indicateurs ces derniers mois, Olaf Gersemann, chef du service économique du groupe de médias Welt, voit aussi l’avenir en noir, dans un livre paru lundi dernier « La bulle Allemagne ». Pour lui, « L’Allemagne se proclame modèle du monde (…) mais l’orgueil précède la chute ».
Comme M. Fratzscher, M. Gersemann relativise les succès de son pays, qui, sur 20 ans, se classe 156e sur 166 pays pour la croissance. Et si le nombre de chômeurs a baissé de façon spectaculaire, le volume d’heures travaillées n’a pas progressé en Allemagne depuis 20 ans.
L’auteur démonte le mythe des réformes de l’État-providence, menées au début des années 2000 par le chancelier Schröder, et qui ne sont « pas la raison du miracle de l’emploi en Allemagne ».
Les succès récents du pays viennent plutôt de sa puissante industrie automobile et de ses entreprises de machines-outils, parfaitement positionnées pour profiter de l’essor d’une vaste classe moyenne dans les pays émergents, notamment en Chine.
L’Allemagne a aussi profité de la flambée de consommation chez ses voisins où les salaires progressaient vite quand elle-même se serrait la ceinture.
Enfin, l’effondrement des naissances a « considérablement allégé la facture des ménages et de l’État », aubaine à court terme seulement. En 2050, l’Allemagne ne sera plus que la troisième nation d’Europe de l’Ouest, derrière la Grande-Bretagne et la France déjà passées en tête pour le nombre de jeunes scolarisés…