Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
Haaaa l’institution dirigée par Christine Lagarde, celle qui est amoureuse de Nicolas Sarkozy et dont les excès de « fayotisme » épistolaire défraient la chronique mondaine a encore brillé par un sens inné de l’humour.
C’est une dépêche AFP qui nous retransmet la bonne parole du Fonds…
Espagne : le FMI perçoit la fin de la récession mais s’inquiète du chômage
Je vais être obligé de citer quelques phrases afin que nous puissions partager ensemble ce nouveau spectacle.
« Le Fonds monétaire international (FMI) a estimé mercredi que l’Espagne pourrait bientôt sortir de la récession mais s’est inquiété du « niveau inacceptable » du chômage dans ce pays, appelant à une action européenne pour relancer l’emploi et la croissance. »
Ce paragraphe est du grand art. En quelques lignes, nous passons du rire aux larmes et, vous en conviendrez, des artistes capables d’un tel exploit sont devenus rares. Il y avait bien Coluche… mais il nous a quittés.
Bref, « pourrait bientôt sortir ». C’est beau quand même. C’est de l’optimisme. « Pourrait » ce n’est pas sûr quand même. C’est même à cela que sert le conditionnel, à dire que ça se pourrait mais que ça n’arrivera pas.
Puis le FMI enchaîne directement sur un éclair de lucidité magistral (vous ne pouvez pas dire le contraire) puisqu’ils viennent de se rendre compte que le chômage est à un niveau inacceptable. Ouaaaaa. Brillant quand même.
Et attendez, ce n’est pas tout. Il relance l’espoir des masses en appelant à la relance de la crôassance.
J’en ai assez de la relance de la crôassance
Il y a des trucs comme ça maintenant qui me font voir rouge. J’ai trente-huit ans (cette année, car l’année prochaine ça va changer) et cela fait au moins trente ans que je les entends braire à la télé qu’il faut relancer la crôassance. Depuis le temps tout de même. Ils nous le répètent et nous le serinent jusqu’à plus soif. La seule chose qui change, c’est le rythme. Plus on s’enfonce dans la crise, plus on nous répète de plus en plus souvent qu’il faut relancer la crôassance. Moi j’en ai marre, et la crôassance aussi elle en a marre de se faire relancer tous les mois. J’aimerais vous y voir moi si vous étiez à la place de la crôassance à risquer votre vie tous les mois en étant menacé d’être relancé aussi souvent, vous n’en mèneriez pas large. Résultat ? Eh bien la crôassance se planque… Vous feriez pareil à sa place.
Poursuivons notre explication de texte.
L’AFP reprend et précise au cas où vous n’auriez pas très bien compris
« Il y a des signes que la récession économique pourrait bientôt finir » mais « les perspectives restent difficiles », a souligné le FMI dans les conclusions de sa mission sur la quatrième économie de la zone euro : « le taux de chômage reste à un niveau inacceptable » et « il faudrait une action urgente pour générer de la croissance et de l’emploi, tant par l’Espagne que par l’Europe. »
Il faut donc retenir que la récession (c’est-à-dire les gros problèmes) pourrait bientôt finir mais ce n’est pas sûr. Le FMI rajoute même, comble de la prudence, que les « perspectives restent difficiles », c’est-à-dire que l’avenir s’annonce plutôt mal, raison pour laquelle l’AFP doit se sentir obligée de titrer que le FMI voit la fin de la récession et que donc tout va mieux que bien en Espagne.
Le pompon de l’information honnête
« L’Espagne, plongée en récession depuis fin 2011, a été l’objet de toutes les inquiétudes des marchés en 2012, ce qui l’a presque forcée à solliciter un sauvetage européen pour l’ensemble de son économie. Cette aide s’est finalement limitée au secteur bancaire, qui a déjà reçu 41,3 milliards d’euros pour se restructurer. »
Par exemple, ce petit morceau de choix « l’Espagne a été l’objet de toutes les inquiétudes des marchés en 2012 », qui est mis au passé composé, a uniquement pour objectif de vous faire passer l’idée subliminale que ouh là là les marchés étaient très zinquiets en 2012… Il y a longtemps. Maintenant, tout va bien.
Parce que cela, je cite, « l’a presque forcée à solliciter un sauvetage européen pour l’ensemble de son économie »… Presque forcée mais finalement cette aide a été limitée qu’au secteur bancaire, comme quoi il n’y avait pas de quoi fouetter un chat et que franchement, il y en a qui s’inquiètent pour rien. Le secteur bancaire espagnol, loin d’être sauvé, a déjà reçu plus de 40 milliards d’euros… Mais tout va bien puisque l’AFP vous le dit, et de quelle façon !
Et puis ça continue encore et encore sur le même ton.
L’AFP va citer le ministre des Finances espagnol Luis de Guindos qui va dire évidemment à la télé aux Espagnols « vous allez tous mourir dans d’horribles souffrances économiques et votre agonie sera longue et douloureuse »… Eh bien non, figurez-vous que très courageusement il a préféré affirmer « mardi que le pays était « en train de sortir de la récession », tandis que la veille, son homologue du Budget Cristobal Montoro assurait que l’économie espagnole était en train de « sortir de la crise », notamment grâce à des comptes publics assainis ».
Oui c’est sûr qu’actuellement les Espagnols ont l’air de sentir vachement assainis…
« Je crois que l’économie espagnole, et c’est reconnu par les organisations internationales, a fait un effort énorme de correction de ses déséquilibres » grâce à une cure d’austérité sans précédent, a souligné mardi Luis de Guindos… Sous-entendu : c’est peut-être bientôt fini, vous avez bien bossé les gars, on vous a bien tondus. Enfin en 2012. Pour l’année 2013, faudra repasser aux stands, et pour 2014, rassurez-vous, on vous rasera aussi mais inutile de vous le dire maintenant. Chaque tonte en son temps, comme dit le proverbe que je viens d’inventer !
« D’importants progrès dans les réformes ont permis de stabiliser l’économie et les déséquilibres en termes de dette extérieure et de budget sont en train d’être corrigés rapidement », estime en effet mercredi le FMI.
Mais « les perspectives appellent à intensifier l’effort de réforme » : « les politiques au niveau de la zone euro doivent apporter beaucoup plus de soutien, mais l’Espagne doit aussi respecter son programme annoncé et même aller plus loin dans certains domaines », écrit le Fonds pour qui « l’accent doit être mis sur une stratégie en faveur de l’emploi qui permette à l’économie de croître et d’embaucher ».
Le meilleur morceau pour la fin !
« Les perspectives appellent à intensifier l’effort de réforme » ! Ha ha ha, franchement, j’en rigole encore. Une pleine page de blabla rassurant avec un beau titre pour vous rassurer puis, à la fin, en petits caractères, on vous explique que les perspectives appellent à intensifier l’effort de la réforme, ce qui est un euphémisme pour parler de la hauteur de la tonte…
Et je sens que l’on va tous se faire raser de plus en plus court.
En attendant, je remercie l’AFP pour ce sublime exemple de désinformation ainsi que le FMI qui a écrit le script. Vous avez sous les yeux un parfait exemple de la fabrication du consentement et de la manière dont on forge la pensée des gens.
N’oubliez jamais qu’un bon mouton à tondre ne doit pas bouger. Il doit rester calme. Allez, gentil-gentil, viens là, tout doux… Voilà, donne-moi tes sous…
Charles SANNAT
Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com.
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