Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
Voilà, je vous avais promis un petit voyage en Espagne, alors partons pour la péninsule ibérique, où évidemment, comme vous ne pouvez pas l’ignorer tout va mieux que bien, la situation est totalement sous contrôle et l’euro ne risque rien, puisque Mario Draghi, notre gouverneur a encore redit, pas plus tard qu’en fin de semaine dernière, que sa sœur Anne voyait revenir la croissance en Europe pour la seconde moitié de cette année. Elle est sympa tout de même cette sœur Anne. Elle ne voit que ce que l’on souhaite que l’on voit.
C’est un article des plus sérieux puisqu’il se trouve dans El Pais le principal quotidien espagnol.
« Avec la crise de Bankia on a pensé que l’Espagne pouvait sortir de l’euro »
Voilà donc le titre de cet article qui en dit long sur ce qui se dit publiquement lors des crises et ce qui se pense officieusement dans les différentes alcôves du pouvoir. Nous en avions eu une autre illustration, en France cette fois, quand François Baroin, alors ministre de l’économie, convoquait une réunion ultra-secrète sur une éventuelle explosion de la monnaie unique alors que sur les plateaux de télévision toutes les plus grandes autorités de l’état nous expliquaient qu’il n’y avait strictement rien à craindre. C’est le fameux syndrome du nuage radioactif de Tchernobyl. C’est lorsque les autorités compétentes commencent à vous dire qu’il ne faut pas vous inquiéter que vous devez commencer à vous poser des questions (à défaut de vous affoler inutilement, les mamamouchis aussi peuvent avoir raison et dire la vérité bien que ce soit rare…)
Remarquez on les comprend. Imaginez un instant votre ministre de l’économie dire « l’euro va exploser, ce bidule ne tiendra jamais, vous allez perdre toutes vos économies et vous serez ruinés dans d’horribles souffrances monétaires »… résultats ? Une panique sans nom et un beau bordel en moins d’une heure partout en France.
Bref, revenons-en à notre article d’El Pais. C’est donc l’ancien gouverneur de la Banque d’Espagne, Miguel Ángel Fernández Ordóñez qui était entendu par un Juge. Alors il a été obligé d’expliquer qu’il avait eu peur lors de la crise occasionnée par la chute de Bankia, que l’Espagne soit en cessation de paiement, ou sorte de l’euro. Peut-être les deux, mais ça il ne l’a pas dit, c’est moi qui le rajoute.
Il s’est également montré particulièrement sympa à l’égard de Rodrigo Rato qui dirigeait à ce moment-là Bankia puisqu’il a expliqué au juge que si tout le monde trouvait Rato compétent, ce type était en réalité mauvais, que non seulement il n’avait pas la capacité, mais qu’en plus ce n’était pas la bonne personne pour relever Bankia.
Des mauvais patrons, nous en avons pleins dans nos banques. Des esprits brillants, très diplômés, et qui obtiennent de fabuleux résultats tant que tout va bien. Dès que tout va mal… et bien, ils font au mieux comme le « benchmark » c’est-à-dire comme la moyenne des établissements auxquels ils se comparent…
Ce n’est pas cela un bon patron. Un patron brillant est quelqu’un capable d’anticiper une crise, de prendre les virages stratégiques à temps, et de s’en sortir quand le contexte économique devient délétère. C’est par exemple le cas du Pédégé de Renault, brillantissime dirigeant au salaire gargantuesque alors que Renault vend de moins en moins de voitures… Franchement je sais faire aussi (à moins que comme dit ma femme qui a toujours le mot pour me faire plaisir je sois capable d’en perdre plus).
Le problème encore une fois, c’est que les autorités de tutelle ne font pas grand-chose. Tout le monde se doutait ou savait que Bankia allait dans le mur et pourtant il ne s’est rien passé. Bankia est allée dans le mur.
Pour Miguel Ángel Fernández Ordóñez c’est Mario Draghi et Angela Merkel qui ont sauvé l’Espagne en disant que personne ne sortirait de l’euro et que la BCE ferait tout ce qu’il faut et que ce serait assez.
Il faut dire qu’en 2011, la Banque d’Espagne, concluait que Bankia était très solvable !! Et l’ex-gouverneur de conclure qu’à la fin de la semaine du 4 et 5 mai il a perdu le « superviseur » et a perdu le contrôle de la situation en ayant cette phrase mémorable et dûment consignée par le magistrat « je ne sais pas ce qui s’est passé… »
Je vous passe le reste du témoignage qui est à l’avenant et tout aussi passionnant avec pour l’Ex-gouverneur le regret de ne pas avoir réussi à fusionner la Caixa (qui s’en sort à peu près) avec Bankia carrément en faillite.
On découvre donc à travers cet article la confirmation d’autorités complètement dépassées par la situation financière désastreuse d’un secteur bancaire et financier hypertrophié partout à travers la planète. Ce n’est pas un problème espagnol. Les autorités dites de supervision ont connu les mêmes situations en France, au Royaume-Uni, ou encore aux Etats-Unis. Depuis les problèmes se poursuivent comme avant. Rien n’a été changé ou presque rien.
Après les problèmes bancaires passés, voici les problèmes bancaires espagnols actuels.
La Garde Civile effectue des perquisitions aux domiciles de plusieurs anciens directeurs de la Caja Metierranéo…
Les agents de l’unité centrale opérationnelle (UCO) qui sont l’équivalent de notre brigade financière de la Garde civile ont mené plusieurs perquisitions aux domiciles de l’ancien directeur général et de l’ancien responsable des projets de constructions.
Ces perquisitions ont été ordonnées par le juge Javier Gómez Bermúdez, qui instruit l’affaire contre l’ancienne direction de la banque pour des soupçons d’irrégularités dans la gestion.
Vu l’état des banques espagnoles (sujet qui mériterait un dossier spécial de 50 pages) on apprend tous les jours davantage. On peut sans trop se tromper affirmer que non seulement il va manquer encore beaucoup d’argent pour renflouer ce système financier complètement moribond mais qu’en plus les irrégularités et les magouilles gangrènent les banques ibériques dans des proportions sans doute insoupçonnées.
6 régions espagnoles utilisent 57% des fonds du FLA pour 2013
Six régions autonomes qui sont la Catalogne, la Cantabrique, Valence, Murcie, Canaries et Baléares ont approché le ministère des Finances pour demander officiellement de bénéficier du Fonds de liquidité des Régions doté de plus de 20 milliards d’euros.
Ces 6 régions ont déjà demandé plus de 13 milliards d’euros.
On va se rendre compte progressivement que l’Espagne à tous les niveaux est en train de prendre l’eau. Le gouvernement est en réalité face à une situation totalement hors de contrôle.
Chômage qui explose et bat de tristes records historiques tous les mois, problèmes sociaux majeurs, endettement de l’état en hausse constante, chute sans précédent des rentrées fiscales, récession économique, régions autonomes en faillite, armée qui commence à s’agacer des revendications indépendantistes de certaines régions. Bref la situation de l’Espagne en ce mois de mars 2013 est tout simplement désastreuse. Le Titanic coule, mais personne ne veut le voir. C’est vrai qu’il est plus confortable de continuer à croire que la crise est terminée et que le pire est derrière nous. Hélas, le cas espagnol nous prouve tous les jours le contraire.
Teyoland reçoit 8.000 candidatures pour seulement 300 offres d’emplois
Preuve de la gravité justement sur le front de l’emploi en Espagne, (et en dépit de l’aide à la recherche d’emploi que certaines banques espagnoles proposent à leurs clients qui ne remboursent plus leurs crédits), la société Teyoland qui doit ouvrir un nouveau magasin, ce qui va créer environ 300 postes, a reçu plus de 8 000 CV et au minimum 100 coups de téléphone chaque jour, ce qui prouve bien que les gens cherchent du travail… mais n’en trouvent pas, puisqu’il n’y en a pas assez pour tout le monde.
Mais bien évidemment il ne peut y avoir d’autre chemin qu’une austérité dévastatrice…
Les épargnants ruinés par la faillite de Liberbank jugent l’offre «inacceptable»
Et oui lorsque l’on achète une action ou une obligation d’une banque, si la banque fait faillite on perd tout. Comme le dit si bien l’expression populaire « c’est le jeu ma pauv’ Lucette »…. Mais les perdants mauvais joueurs tentent par tous les moyens de récupérer leurs sous. Remarquez on ne peut pas leur reprocher puisque ces dernières années ont prouvé partout à travers le monde, qu’une banque ne peut pas faire faillite (hormis le cas Lehman très spécifique) puisque l’on a privatisé les gains et les bénéfices et socialisé les pertes en les faisant peser sur les contribuables au nom du risque systémique.
On a donc tout de même proposé gentiment aux créanciers de se voir convertir leurs pertes potentielles en nouvelles actions et obligations.
L’association des épargnants s’oppose à cette proposition et déconseille à ses membres d’accepter cette offre. Ils souhaitent une indemnisation pure et simple.
En cas de faillite de banque il existe d’autres solutions, que de renflouer l’ensemble des pertes sur des fonds publics, qui conduisent les états au surendettement.
Il est parfaitement possible de ne garantir que les dépôts et de laisser les créanciers actionnaires ou détenteurs d’obligations assumer le risque qu’ils ont pris. On évite d’un côté le risque systémique, et de l’autre on réduit considérablement le coût pour les finances publiques à défaut de le supprimer intégralement.
Mais en Espagne comme ailleurs le pouvoir politique inféodé au pouvoir financier en a décidé tout autrement, précipitant les peuples dans une austérité totalement imméritée car l’endettement de l’Espagne, avant la crise bancaire était l’un des plus faibles d’Europe.
Tout cela c’est complètement fou …, bienvenue à l’asile Espagnol.
Charles SANNAT
Pour lire l’article d’El Pais sur les déclarations de l’ex-gouverneur de la banque d’Espagne
Pour lire l’article sur les perquisitions chez les anciens dirigeants de la CAM
Pour lire l’article sur les besoins financiers des régions « autonomes »
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