Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
C’est un excellent et court article du Figaro qui explique que « la politique monétaire ultra-stimulante de la Réserve fédérale américaine engendre des risques croissants de bulles financières. Cette critique, adressée à la Banque centrale depuis des mois, est prise très au sérieux par Ben Bernanke, le patron de la FED ».
Mais toujours selon le Figaro, le banquier central le plus puissant du monde s’est voulu rassurant : « Nous suivons de particulièrement près les exemples de “recherche du rendement” et les autres formes de prises de risques excessives qui peuvent affecter les prix des actifs et leurs relations avec les fondamentaux. »
Il n’y a dans cette phrase rien de rassurant mais, au contraire, tout y est très inquiétant. Pourquoi ?
Parce que les autorités monétaires mondiales sont dans une impasse. Soit Ben Bernanke et consort continuent à imprimer tous les billets nécessaires pour maintenir l’économie en réanimation et surtout des taux d’intérêt très bas pour faire face au surendettement des acteurs économiques dont les États et cela va continuer à amplifier les déséquilibres et donc les bulles financières, soit les banques centrales stoppent leurs politiques accommodantes et reviennent à plus d’orthodoxie monétaire et les États risquent fort de faire tous faillite rapidement dans la mesure où les taux d’intérêt grimperaient de façon importante.
Certains pensent que les banques centrales pourront piloter un arrêt en douceur des injections monétaires, évitant ainsi au monde les affres d’une crise monétaire majeure et concernant l’ensemble des plus grandes devises de réserves mondiales.
Ma conviction est que ce pilotage « fin » ne durera qu’un temps et qu’à partir d’un certain moment, les déclarations, les ballons d’essais, les revirements, ne seront plus tenables pour une simple et bonne raison : les marchés, les États, les banques et les entreprises sont accroc à l’argent illimité et gratuit. Stopper ces injections déclenchera obligatoirement une crise de manque dévastatrice. Plus personne ne peut supporter une augmentation même faible des taux d’intérêt.
Le choix sera donc, in fine, binaire. Soit on continue, soit on arrête. Dans les deux cas, de toute façon, « on meurt » à la fin. Seule la durée de l’agonie changera avec d’un côté une hyperinflation ou une dépression économique. Faites votre choix, faites vos jeux… en tout cas, rien ne va plus !
Une bulle spéculative, c’est quoi ?
Pour les Échos, « une bulle financière ou bulle spéculative correspond à une situation où le cours des titres augmente fortement et atteint des niveaux jugés, par une petite minorité de personnes lucides, comme globalement excessifs en comparaison avec la valeur réelle des actifs. Elle s’achève généralement par un éclatement de la bulle et une baisse rapide des cours ».
Finalement, cette définition est assez peu précise et ne nous permet pas de savoir avec certitude que nous sommes confrontés à des bulles spéculatives.
Pour Wikipédia, « une bulle économique, bulle de prix, bulle financière, ou encore bulle spéculative, est un niveau de prix d’échanges sur un marché (marché d’actifs financiers : actions, obligations ; marché des changes, marché immobilier, marché des matières premières, etc.) très excessif par rapport à la valeur financière intrinsèque (ou fondamentale) des biens ou actifs échangés.
Dans ce genre de situation, dite parfois « exubérante », les prix s’écartent de la valorisation économique habituelle sous le jeu de croyances des acheteurs.
Il y a bulle à partir du moment où la logique de formation des prix devient essentiellement « autoréférentielle » et où le raisonnement d’arbitrage entre les différents actifs ne s’applique plus : un prix démesurément élevé aujourd’hui se justifie uniquement par la croyance qu’il sera « plus élevé demain », alors que la comparaison avec les prix d’autres actifs ne peut le justifier.
Ce genre de comportement plus ou moins irrationnel des marchés, créant des anomalies de prix, fait partie des phénomènes qu’étudie la finance comportementale.
Le mot français de bulle, dans le sens de « bulle financière », vient de l’anglais « bubble ». Il s’agit d’une métaphore indiquant que les prix sur un marché spécifique augmentent de façon rapide et sans raison solide, et sont vulnérables, exposés à une chute instantanée, à l’image d’une bulle qui s’élève et qui éclate. En 1720, le Parlement anglais vota le Bubble Act après le krach des titres de la South Sea Company. Quand on demanda à Isaac Newton, maître de la monnaie de Londres depuis 1697, ce qu’il pensait de cette affaire, il répondit qu’il « pouvait calculer les mouvements des corps célestes, mais pas la folie des gens ».
Justement, en parlant du Maître (le mien), je vous donnerais sa définition d’une bulle un peu plus bas. Avant, notons tout de même le côté autoréférentiel, c’est-à-dire autoréalisateur d’une hausse, évoqué sur Wikipédia, ou encore la notion de croyance que le prix sera plus élevé demain.
Voilà des idées importantes mais elles ne permettent pas d’avoir avec certitude la conviction que nous sommes face à une bulle car derrière ces idées, il y en a une autre, l’idée maîtresse qui sous-tend toute bulle spéculative – et c’est celle-là que je vais vous dévoiler alors que c’est un secret savamment gardé, enfermé dans un coffre dont la clef a été jetée au fond d’un puits et qui se transmet de génération en génération de maître à élève et, comme souvent, les choses sont simples, très simples.
La définition du « Maître »
Je vous avais déjà parlé de lui, ce vieux briscard des marchés qui m’a presque tout appris. Je le surnomme affectueusement « le Maître ».
Pour lui, la définition d’une bulle, c’est lorsque les « zinvestisseurs » n’ont plus peur de rien, qu’ils n’ont plus peur de perdre, qu’il y a un sentiment général où on ne « peut que gagner ».
C’est une définition simple, très simple, mais c’est la meilleure. Lorsque le sentiment de peur s’efface, que l’on ne pense que pouvoir gagner à tous les coups alors la catastrophe n’est jamais loin.
Le sentiment de peur fait partie de tout être humain. L’absence de ce sentiment est, en terme psychiatrique, une pathologie. L’homme a peur parce que la peur lui donne conscience du danger. Avoir conscience du danger est la base de la survie dans le règne animal… et humain !
Lorsque l’on ne perçoit plus le danger, on peut dire que nos sens physiques ou psychiques sont altérés et cela aura pour conséquence directe une diminution considérable de notre espérance de vie.
Que se passe-t-il actuellement ?
Plus personne n’a peur car les banques centrales injectent tellement d’argent chaque mois que, grâce à elles, tout le monde est sûr de gagner en jouant la hausse éternelle.
Les États sont en faillite virtuelle mais les « zinvestisseurs » n’ont pas peur du risque de défaut des États car tout va mieux que bien ? Non, car les banques centrales nous sauveront pensent-ils.
Les entreprises ne sont pas forcément en pleine forme. Elles finiront en tout cas par être touchées par les mutations de modèles économiques en cours. Il y a deux grands types d’obligations corporate (d’entreprises). Les obligations sérieuses de grandes sociétés et les Junk Bonds, c’est-à-dire les obligations pourries d’entreprises un peu, beaucoup, passionnément à la folie moisies…
Les obligations d’entreprises sérieuses ne rapportent presque plus rien, et les pourries en moyenne 5 % et pour certaines moins. Pourquoi ? Parce que les « zinvestisseurs » n’ont pas peur du risque de défaut des entreprises fussent-elles moisies, car les banques centrales nous sauveront pensent-ils.
Les marchés actions volent de record en record surtout à Wall Street et au Japon mais en Europe c’est pas mal aussi. La Bourse de Paris n’est pas en reste alors que la crôassance française et européenne est en berne.
Alors pourquoi les marchés montent-ils autant ? Parce que les profits s’envolent ? Non que nenni. Ils auraient même tendance à baisser légèrement. Alors pourquoi ? Parce que les « zinvestisseurs » n’ont pas peur du risque de marché puisque les banques centrales donnent de l’argent gratuitement à tout le monde pour s’amuser en achetant des actions. Tant que l’argent coule à flot, les cours ne peuvent que monter… éternellement. On est donc sûr de gagner. Aucune stratégie, aucune analyse, rien… juste un sentiment d’absence totale de peur et la certitude de gagner à tous les coups.
Vous l’aurez compris : où que vous regardiez, la peur a disparu des écrans radars. Nous sommes donc, et c’est une certitude, en pleine bulle financière.
Bulles multiples pour un désordre global
Nous faisons donc face à une bulle sur les dettes souveraines (les dettes des États).
Nous faisons face à une bulle sur les dettes corporate (les dettes d’entreprises).
Nous faisons face à une bulle sur l’ensemble des marchés actions de la planète.
Ces trois énormes bulles sont gonflées artificiellement tous les jours par les banques centrales qui injectent des quantités phénoménales de monnaie qui ne se retrouvent jamais ou presque dans l’économie réelle mais vont se stocker dans la sphère financière au sens large.
L’issue pour une bulle est connue. Elle grossit pour exploser. C’est sa nature. Une bulle est éphémère et sa fin est explosive. Seul le moment et la durée sont inconnus.
L’or, étonnamment, n’est pas en bulle
Vous l’aurez compris, contrairement à ce que de nombreux esprits anti-or peuvent dire, l’or n’est pas et n’a jamais été ces dernières années dans une situation de bulle.
À aucun moment, et le dernier événement en est bien la preuve, les acheteurs d’or ont eu le sentiment de ne pas pouvoir perdre.
Tout véritable acheteur d’or pour ce qu’il est, à savoir l’assurance de votre patrimoine, a toujours su qu’il ne deviendrait pas riche rapidement avec l’or, l’appât du gain n’est pas ce qui motive l’acquisition de métal jaune (ce qui n’empêche nullement d’espérer un gain).
Un acheteur d’or ne vise pas non plus un rendement puisque l’or ne rapporte rien, ce que ses détracteurs répètent suffisamment pour que tout le monde le sache.
Ensuite, acheter de l’or c’est « compliqué », surtout lorsque l’on parle d’or physique.
Par conséquent, nous savons tous dans la communauté des « goldeux » que l’or est volatil, risqué à court terme mais la seule solution pour le long terme. Nous espérons ne pas avoir besoin de notre argent à court terme car nous savons que nous pouvons perdre, ce qui prouve bien que l’on est pas en bulle.
C’est la buuulle finaleuuu
Alors oui, c’est la bulle finale (ce que vous pouvez chanter en vous cassant la voix devant votre miroir de salle de bain sur l’air de l’International) de cette crise créée de toutes pièces par les politiques « non conventionnelles » menées par les banques centrales, mais ce n’est pas la bulle ultime.
Le bulle ultime sera sur l’or, lorsque les monnaies s’effondreront et que tout le monde ne voudra que de l’or (ou de l’argent) et rien d’autre. La ruée sera telle que vous ne pourrez pas louper cette bulle. Au bout du compte, les monnaies ne vaudront plus rien et il y aura enfin la résolution monétaire de la crise car les déséquilibres seront réglés par l’apparition d’une nouvelle monnaie.
Le monde pourra alors repartir sur des bases saines, après que des millions de gens partout à travers la planète aient été ruinés.
Charles SANNAT
Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com
Lire la définition d’une bulle par le site les Echos
Lire un article du Figaro sur les dernières inquiétudes de Ben Bernanke