C’est un discours historique que devrait prononcer à La Haye, vendredi 18 janvier, le Premier ministre britannique David Cameron. Il a choisi la capitale des Pays-Bas, comme son lointain prédécesseur Margaret Thatcher avait choisi Bruges en 1988, pour annoncer une redéfinition des liens entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Face à une opinion britannique tout aussi passionnée que divisée sur la question, le leader conservateur jouera sans aucun doute son avenir politique à court ou moyen terme.
Lorsqu’il a pris la tête du parti conservateur à l’automne 2005, David Cameron entendait faire des Tories une force fiscalement conservatrice mais socialement libérale et réconciliée avec l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. La constitution d’un gouvernement de coalition avec les Libéraux-démocrates, la plus europhile des formations politiques d’outre-Manche, semblait confirmer un virage idéologique des conservateurs.
Mais c’était sans compter sur la puissante aile eurosceptique de son propre parti et la concurrence croissante du parti de l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP). David Cameron est désormais contraint d’accepter le débat. Il va tenter de l’orchestrer à partir de son discours de La Haye, vendredi 18 janvier. Un sacré défi pour un Premier ministre qui, à mi-mandat, apparaît de plus en plus affaibli.
L’euroscepticisme majoritaire chez les Tories
Dans les rangs du parti conservateur, le sentiment envers l’Union européenne en général, et Bruxelles en particulier, est majoritairement négatif. Le phénomène n’est pas nouveau, il se renforce malgré tout. Le sondage, publié par l’influent site conservateur ConservativeHome, est donc sans surprise : 78 % des Tories souhaitent que la relation du Royaume-Uni avec l’Union européenne soit limitée à l’accès à son marché commun – comme c’était le cas lors de l’entrée dans la Communauté économique européenne en 1973 –, ou que le Royaume-Uni la quitte complètement.
Des députés conservateurs ont ainsi uni leurs forces au sein d’un groupe baptisé « Fresh Start » – « Nouveau départ » – et ils devraient lancer, cette semaine, un appel au rétablissement de la souveraineté nationale britannique sur un grand nombre de domaines, quitte à agir de manière unilatérale et à enfreindre les traités européens.
La concurrence de l’UKIP
Par ailleurs, David Cameron doit gérer la concurrence d’un parti authentiquement souverainiste, le UK Independence Party – le parti de l’indépendance du Royaume-Uni. D’après un sondage ComRes, publié dans le journal Sunday People, l’UKIP pourrait reléguer les conservateurs à la troisième place lors des élections européennes de 2014. Si ce scrutin est traditionnellement favorable aux formations minoritaires, un tel résultat serait du plus mauvais effet à un an des élections législatives.
Un David Cameron tiraillé
S’affaiblir sur sa droite ou s’affaiblir sur sa gauche, c’est le cruel dilemme auquel est confronté le chef du gouvernement. Aux appels des eurosceptiques répondent ceux des pro-européens. Les milieux d’affaires et la frange pro-européenne du parti conservateur enjoignent David Cameron de résister aux appels en faveur d’une sortie de l’UE. Pour de nombreux patrons, un tel scénario serait contraire aux intérêts économiques du pays.
Les Libéraux-démocrates campent sur leurs positions traditionnellement très favorables à l’intégration européenne. Cela pourrait créer de nouvelles tensions entre membres de la coalition, même si ni David Cameron ni a fortiori Nick Clegg – dont le parti apparaît laminé dans les sondages – n’ont sans doute intérêt dans les circonstances présentes à rompre leur alliance.
Les Britanniques veulent un référendum sur l’Europe, David Cameron joue la montre
Le sondage ComRes précité indique qu’une majorité de Britanniques sont partisans d’un référendum qui poserait clairement la question du maintien ou non de leur pays dans l’UE. Une proportion qui, pourtant, recule de 5 points par rapport à la précédente enquête d’octobre 2011.
Lundi 14 janvier, David Cameron a écarté la perspective de la tenue à court terme d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Il a déclaré sur la BBC qu’un référendum pour ou contre le maintien dans l’UE offrirait un « mauvais choix ». Même s’il estimait que le Royaume-Uni « ne s’effondrerait pas » si elle devait quitter l’Union européenne, elle n’a, pour lui, aucun intérêt à le faire.
Le Premier ministre souhaiterait entamer la réflexion, puis engager une renégociation des accords avec Bruxelles et, éventuellement, organiser un référendum après les élections de 2015 – s’il venait à conserver son poste. « Il l’envisage (le discours de La Haye) comme un moment important pour exposer ses vues sur l’intérêt pour la Grande-Bretagne de rester dans l’Union européenne, mais dans une relation modifiée », a ainsi indiqué le porte-parole du 10 Downing Street.
À la Margaret Thatcher…
Nul doute que David Cameron aura eu à l’esprit Margaret Thatcher, son modèle, en rédigeant son discours de La Haye. La Dame de fer, en son temps, vociférait contre Bruxelles, malmenait ses partenaires européens, exigeait qu’on lui rende son argent – « Give me our money back ! » – mais, au cours de ses onze ans à Downing Street, l’intégration du Royaume-Uni à l’Europe n’a pas ralenti, au contraire. Certes, ce n’était pas encore l’Union européenne et l’ingérence de la Communauté économique européenne dans la vie quotidienne des Européens n’était pas comparable. Ce que ferait Margaret Thatcher aujourd’hui importe peu…
Là où David Cameron semble s’inspirer de son illustre prédécesseur, c’est en s’efforçant de fixer lui-même les termes et le rythme du débat avec un objectif double : imposer ses doléances à Bruxelles et aux États membres, réfréner les tentations jusqu’au-boutistes du majorité de Britanniques. Si ceux-ci aiment à mettre en avant le lien transatlantique vers le grand petit frère américain, il n’en reste pas moins que, dans les faits, le Royaume-Uni est bien en Europe.
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