BEIJING, 24 janvier — En 2012, à contre-courant de certaines entreprises étrangères qui ont quitté le marché chinois, le géant allemand Wirsol Solar y est entré en nouant une alliance avec son homologue chinois Yingli Green Energy Holding pour construire une centrale solaire, tandis que l’ouverture des Galeries Lafayette de Beijing est pour bientôt.
La perspective économique du pays devient-elle pire ou meilleure ?
Dirk Moens, secrétaire général de la Chambre de Commerce de l’Union européenne en Chine (EUCCC), a rassuré que le potentiel du marché existait sans aucun doute.
La dimension d’un marché de 1,3 milliard de consommateurs, les futurs besoins des Chinois et la volonté politique de poursuivre les réformes et l’ouverture sont trois des grands atouts de la Chine, a-t-il expliqué.
Ayant vécu plus de dix ans en Chine, ce Belge a observé toutefois que le marché était devenu plus dur et la compétition plus féroce, et ce, pour de multiples raisons, dont l’émergence de concurrents locaux, l’augmentation du coût de la main-d’oeuvre, etc.
Quant au niveau de l’ouverture du marché, il a identifié deux pôles extrêmes : les secteurs stratégiques, comme les véhicules électriques et les biotechnologies, dans lesquels les entreprises étrangères sont plus que bienvenues, et les secteurs dominés par les entreprises publiques qui excluent les investissements étrangers et privés.
Une des missions clé de l’EUCCC, dont la majorité des 1.700 membres sont des géants de l’industrie, est de faire du lobbying auprès du gouvernement chinois pour obtenir un accès égal au marché intérieur au niveau sectoriel.
« En ce qui concerne le départ des entreprises européennes, il faut relativiser », a dit d’un ton discret Romain Lafarguette, chercheur français spécialisé en macro-économie chinoise et fondateur du site Internet redeconomist.com.
Selon lui, la montée en gamme de l’économie chinoise a également changé la donne parmi les entreprises européennes implantées dans le pays.
Les statistiques rendues publiques à la mi-janvier par le ministère chinois du Commerce révèlent qu’il existe une réorientation des capitaux étrangers.
En 2012, l’apport des capitaux étrangers a diminué de 3,7% en base annuelle à 111,72 milliards de dollars. En termes de répartition par secteurs, le tertiaire en a absorbé 53,84 milliards de dollars (-2,6% en glissement annuel), soit 48,2% du total des capitaux étrangers et 4,5 points de pourcentage supérieurs au secteur manufacturier. L’immobilier, comptant dans le secteur de services, a connu une baisse de 10,3%, tandis que les capitaux étrangers investis dans les autres services ont progressé de 4,8%.
Le secteur manufacturier a bénéficié de 48,87 milliards de dollars, soit une baisse de 6,2% en moyenne. Cependant certains secteurs ont tout de même enregistré une forte croissance : le secteur des machines-outils (+31,8%) et celui des équipements de transport (+17,2%).
M. Lafarguette juge qu’il n’y aura pas un retrait massif des capitaux européens du marché chinois. La baisse de la demande en Europe et la croissance continue de l’économie chinoise « obligent » certaines entreprises à tenter leur chance en Chine, même si parfois le coût est élevé.
« Les entreprises chinoises sont en train de s’internationaliser. Elles ont besoin de collaborateurs européens », a constaté Giulia Ziggiotti, secrétaire générale de la Chambre de Commerce italienne (CCI) en Chine, ajoutant que de nombreuses sociétés chinoises avaient exprimé leur intérêt pour les meubles et les machines « made in Italy ».
Une augmentation rapide des investissements chinois à l’étranger ouvre également de multiples opportunités aux établissements financiers européens. Ainsi, le Rothschild Group, banque d’investissement privée au premier rang mondial, a établi fin 2012 son siège en Chine à Tianjin, ville portuaire proche de Beijing.
Par rapport aux entreprises européennes qui jouent un rôle de pont pour l’internationalisation des sociétés chinoises, les autres sont plus « chinoises » et préfèrent produire localement pour vendre localement.
Lafarge, géant français du ciment, est implanté depuis près de vingt ans sur le marché chinois. Contrairement à ses confrères étrangers qui s’entassent dans les trois métropoles (Beijing, Shanghai, Guangzhou), Lafarge a principalement développé ses affaires et sa clientèle dans le sud-ouest de la Chine.
Malgré la récession économique mondiale, une concurrence locale plus forte et une surcapacité dans le secteur, Lafarge Shui On (joint-venture fondée fin 2005) a augmenté sa capacité de production annuelle de 24 millions de tonnes en 2005 à 30 millions de tonnes en 2010. En outre, l’entreprise a deux nouveaux projets en construction respectivement dans les provinces du Sichuan et du Yunnan.
« Le pays reste le plus gros consommateur de ciment », a jugé Edgardo Soriano, vice-président de la joint-venture, « c’est pourquoi le marché est et sera un marché international clé pour Lafarge. » La marge de croissance dans le sud-ouest du pays, une région relativement moins développée explique également cette vision optimiste.
M. Lafarguette considère que l’urbanisation chinoise, qui pousse le besoin de consommation, constitue le grand attrait du marché chinois.
Le secrétaire général de l’EUCCC a de plus anticipé que le secteur des services jouerait dans l’avenir un rôle de moteur économique pour la croissance. Il a cité le secteur de la santé comme exemple, qui représente selon lui un énorme potentiel de croissance pour les secteurs pharmaceutique, des assurances et des équipements.
Selon le sondage de confiance des entreprises européennes 2012 mené par l’EUCCC, fournir des produits et des services aux Chinois est devenu le premier facteur stratégique des entreprises européennes installées ici. Ainsi, « l’usine du monde » est en train de se transformer en « marché du monde ».
Agence de Presse Xinhua.