François Hollande passe à l’Heure de vérité

JEUDI 14 FÉVRIER 2013 PAR JEAN-MARC SYLVESTRE

Par Jean-Marc Sylvestre. Dure dure la semaine de Hollande. Fini de se cacher à Bamako ou dans le spectacle « Un mariage pour tous » donné au théâtre du Parlement. Rideau. Bien sûr, Hollande est encore parti en voyage touristique en Inde, mais il a été obligé avant de décoller de passer aux choses sérieuses. Comme d’habitude, François Hollande a laissé courir la rumeur, via le FMI, l’OCDE, puis la Cour des comptes. Cette dernière est d’ailleurs très utile pour annoncer les mauvaises nouvelles que tout le monde a caché sous le tapis. Puis il a laissé ses lieutenants parler. Laurent Fabius, Jean-Marc Ayrault, Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac et Arnaud Montebourg. Pour dire quoi ?

Pour dire la vérité ! A savoir que l’économie française est plantée depuis six mois, que la France est rentrée en récession en 2012, que les engagements pris pour 2013 ne seront pas tenus. Que l’on va abandonner l’objectif des 3% en 2013. Qu’il faudra accepter une nouvelle révision de la politique budgétaire et des hausses d’impôts et des coupes dans les dépenses. Encore et toujours.

Bref, on a commencé à avouer qu’on s’était trompé, mais on a commencé à avouer un secret de polichinelle, puisque tout le monde savait qu’on allait dans le mur. Donc on mentait. Au plus haut niveau de l’État.

Cette affaire soulève trois questions auxquelles il faut répondre par un décryptage qui doit être fin.

Le premier élément, c’est pourquoi a-t-on fini par avouer, maintenant, qu’on ne tiendra ni le cap, ni la route. Il y a beaucoup de raisons. D’abord parce que tout finit par se savoir et, plus on attend, plus le réveil est douloureux. La situation allait devenir insupportable. Les marchés n’auraient pas pu continuer de nous prêter de l’argent à un taux acceptable. D’autant que la maison France va avoir en mars des échéances extrêmement lourdes à couvrir.

Les institutions européennes ont donc fait savoir à la France qu’il fallait revenir dans les clous, accepter la vérité. Pour faire passer la pilule, la commission aurait accepté de s’assoir sur l’engagement des 3% de déficit public. En réalité, c’est François Hollande qui en a fait la demande auprès d’Angela Merkel d’abord, puis de la commission ensuite lors du dernier sommet. En contrepartie, François Hollande a accepté la révision à la baisse du budget européen d’où les cris de victoire de David Cameron (que l’on a d’ailleurs étouffé en France).
On a donc obtenu un délai supplémentaire avec l’accord des Européens mais en s’engageant une fois de plus à faire des économies de dépenses publiques. Ce qui nous permet de continuer à bénéficier de la garantie des Allemands qui nous mettent à l’abri avec leur triple A. François Hollande a donc, une fois de plus, gagné un peu de temps avant de passer à la deuxième partie de l’heure de vérité. C’est-à-dire de déterminer le montant et la nature des économies budgétaires à obtenir, au niveau de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale. Ce que Jean Marc Ayrault n’a pas encore officialisé. Mais on n’y coupera pas. Le deuxième élément est beaucoup plus grave.

Jusqu’à quand l’opinion publique acceptera que les responsables politiques leur racontent des histoires ?

Parce qu’on a raconté des histoires. On a menti aux Français. Les hommes politiques, les économistes et une grande partie des médias ont très souvent emboité le pas. On a donné des chiffres faux, des prévisions illusoires, on a développé des raisonnements fallacieux. La dernière campagne présidentielle a été lamentable. On a battu tous les records de démagogie. Nicolas Sarkozy est aussi responsable de cette absence de pédagogie que François Hollande. Tous coupables.

Devant le mur des réalités, la vérité commence à sortir. Devant les drames sociaux qui se multiplient, les malversations, les inégalités criantes, l’inquiétude des dirigeants les obligent à prendre leurs responsabilités. Le peuple français est de tradition régicide. Les rois de la République le savent.

Donc ils sont condamnés à la vérité même si cette attitude peut les obliger à quitter le pouvoir. Ce n’est pas la vérité qui les dépouillera, c’est le fait d’avoir menti pour accéder au pouvoir.

D’où le troisième élément qui porte sur la capacité des logiques démocratiques pour résoudre les crises. Pas question de regretter de vivre en démocratie. Mais il faut s’interroger sur la façon dont elle fonctionne.

La logique démocratique ressemble à une logique de marché où les consommateurs seraient des électeurs. Pour être élu, il faut rassembler une majorité d’électeurs. Il faut donc répondre à leur demande. Pendant plus de 40 ans, les responsables politiques ont accédé au pouvoir en achetant les électeurs (subventions, pouvoir d’achat, emplois…). Ils ont pu le faire parce que le système économique créait de la richesse. Beaucoup de richesse. Quand la croissance s’est tarie, les hommes politique ont fait des promesses puis ils ont payé ces promesses à crédit jusqu’au jour où l’État est devenu insolvable. Nous sommes aujourd’hui en situation de surendettement insolvable et incapable d’honorer les promesses.

Les hommes politiques participent à un festival de mensonges. Piégés par leur discours, ils sont déconsidérés. Paralysés pour ne pas avoir dit la vérité des faits et des chiffres, ils perdent leur légitimité et leur capacité à agir. Curieusement, mais c’est logique, deux pays en Europe s’en sortent mieux. L’ Allemagne et l’Italie.

L’ Allemagne parce qu’elle a commencé son entreprise d’explications et de vérité il y a plus de dix ans. Angela Merkel sera réélue.

L’autre pays, c’est l’Italie où Mario Monti est arrivé au pouvoir en étant nommé par une sorte de conseil d’administration qui se composait des quelques dirigeants de la zone euro, de hauts fonctionnaires du trésor et des hommes de Goldman Sachs. Berlusconi a été limogé en quelques heures et son successeur est arrivé sans aucune consultation populaire. Mario Monti a commencé par dire la verité aux Italiens. Ensuite il a fait ce qu’il avait dit qu’il ferait. Résultat, les Italiens ont accepté cette posture, les efforts et la promesse de résultat. L’Italie est aujourd’hui sur la voie du redressement et Mario Monti sera élu s’il se présente aux élections, ce qu’une majorité d’Italiens lui demande.

La France dans son histoire a déjà traversé des périodes identiques. En 1958, lorsque le Général de Gaulle est arrivé au pouvoir, la France a quand même fait quelques entorses aux principes de la démocratie. En 1983, François Mitterrand s’est retrouvé acculé financièrement par la politique conduite depuis 1981. Il a du changé radicalement de stratégie économique.

La logique démocratique passe aujourd’hui par une offre politique responsable, chiffrée, et transparente. Elle passe aussi par des dirigeants exemplaires. Il y a une telle contradiction entre la logique de fonctionnement du marché politique en permanence tentée par la démagogie et l’extrémisme et la logique de marchés qu’il arrive un moment où il faut opérer des ajustements.

Faute d’argent, si on veut sauver son économie, les responsables politiques doivent adapter leurs promesses et leurs ambitions à la réalité. C’est bien ce que François Hollande va être obligé de faire dans les six mois. A une condition, que ses troupes et sa majorité l’acceptent.

Avec l’accord de Jean-Marc Sylvestre que nous remercions.

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