Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Quand on souhaite anticiper les risques dans ce que l’on nomme pompeusement la « gestion de risque », il y a deux catégories d’indices appelés « signaux ». Les signaux forts et les signaux faibles. Un signal fort est assez facile pour ne pas dire évident à capter ou à percevoir, comme par exemple un krach boursier. Difficile de passer à côté. En général, le signal fort arrive trop tard.
Tout l’intérêt consiste donc à essayer de percevoir une autre catégorie de signaux. Les signaux faibles. Ils sont très difficiles à cerner car, par nature, ils peuvent sembler bien insignifiants, ce qui est trompeur car en réalité ils sont précurseurs d’une catastrophe en devenir. Ils sont également masqués par un bruit de fond important.
Le bruit de fond actuel, celui que vous entendez, est la douce musique de « la crise est finie », tout va bien mes braves gens, dormez tranquille, le système bancaire est trèèèès solide, la courbe du chômage s’inverse ou s’inversera très prochainement. Bref, tout est présenté et affiché comme étant des bonnes nouvelles.
Dernier exemple en date, la croissance française qui fait 0,3 % du PIB au lieu de 0,1 % prévu, ce qui entraîne un concert d’autosatisfecit de nos autorités politiques et de nos journalistes qui reprennent en cœur cette grande nouvelle, omettant juste au passage de vous faire le lien avec le dernier rapport de la Cour des comptes qui pointe une augmentation bien pire que prévu du déficit budgétaire. 3 % était l’objectif théorique. 3,6 % l’objectif du gouvernement dans ses documents budgétaires. La réalité sera proche de 4,2 %… Alors certes, la croissance est de 0,3 % du PIB mais elle n’a été obtenue qu’en nous endettant de 4,2 % de PIB supplémentaires qu’il faudra bien payer un jour…
Le bruit de fond actuellement est très puissant et masque parfaitement les signaux faibles qui pourtant sont bien présents et devraient nous inciter à une très grande prudence.
Airbus rachète une banque allemande pour créer sa propre banque
Vendredi dernier, le 14 février, l’agence de presse Reuters nous a expliqué dans une dépêche que la société Airbus venait de racheter une banque allemande ! Voici ce que dit la dépêche :
« Airbus Group a annoncé vendredi la conclusion d’un accord en vue d’acquérir la banque allemande Salzburg München Bank AG en vue de créer son propre établissement bancaire.
Une fois l’opération bouclée, la banque, qui est basée à Munich, sera renommée Airbus Group Bank et aura pour fonction de fournir des solutions de financement à toutes les activités du groupe européen d’aérospatiale et de défense.
Airbus Group entend finaliser l’accord dans les meilleurs délais en 2014. »
Alors fournir des solutions de financement à son activité de vente d’avions, je ne dis pas que ce n’est pas une bonne stratégie mais… ce type d’activité de financement est particulièrement gourmand en fonds propres pour les banques. Plus généralement, les grandes compagnies aériennes financent leurs acquisitions d’avions de ligne par ce qui s’appelle du leasing et il existe deux ou trois très grands groupes de leasing spécialisés dans la vente d’avions et qui trustent depuis des décennies le marché.
Non, en y réfléchissant bien, la future banque d’Airbus risque de faire fort peu de crédit pour vendre ses avions (ce qui ne veut pas dire qu’elle ne va pas en faire), d’une part parce que cela va la forcer à mobiliser beaucoup de fonds propres pour capitaliser suffisamment cette structure bancaire, ensuite parce qu’il existe déjà des spécialistes de ce métier….
En l’espèce, Airbus rachète une banque… normale ! Elle s’occupe de comptes bancaires de particuliers, fait de la gestion de petite « fortune » et dispose de son espace PME… Je vous indique le lien vers le site Web de cette banque en annexe.
Alors la question à 1 000 euros du jour est pourquoi diable Airbus rachète une banque en Allemagne faisant des crédits à la consommation pour financer la nouvelle merco de von-machin ??
Vous ne voyez sans doute pas le rapport avec le financement d’avion à 100 millions de dollars… c’est normal, cela ne saute pas aux yeux à première vue et pourtant la réponse est globalement dans l’énoncé du problème comme à chaque fois (me disait mon prof de math).
Imaginez que vous soyez la société Airbus industrie. Imaginez que vous pensiez que tout ce cirque économico-politico-financier touche à sa fin. Imaginez que vous pensiez que l’euro pourrait exploser ou les systèmes bancaires s’effondrer. Imaginez que vous ayez quelques milliards d’euros de trésorerie à protéger… comment feriez-vous ?
Eh bien assez simplement, pour quelques dizaines de millions d’euros, vous achetez une non-banque, c’est-à-dire un petit établissement, créé en 1990 et étant au départ une vague petite filiale d’une autre non-banque plus ou moins autrichienne… Bref, ce n’est pas vraiment la Deutsche Bank dont on parle là !
Vous remarquerez au passage qu’Airbus n’a communiqué aucun détail financier concernant cette transaction mais on peut raisonnablement penser qu’il n’y en a pas pour beaucoup, cette banque ne disposant même pas d’un réseau d’agences…
Pour comparaison, comme l’explique cet article de BFM TV, les ventes d’Airbus nécessitent des financements bancaires d’environ… 100 milliards d’euros ou de dollars (mais vu le montant on s’en fiche pas mal) chaque année… et vous pensez sincèrement que la München Bank, avec son service clients pour particuliers ouvert du lundi au vendredi jusqu’à 15h00 (véridique, c’est sur leur site) et faisant nocturne un soir par semaine jusqu’à 17 heures, va vraiment être en capacité de financer les 100 milliards de ventes annuelles d’Airbus ?
Acheter sa propre banque, c’est la meilleure des assurances !
Eh bien je peux vous donner une réponse : c’est impossible et c’est une certitude, la raison avancée pour justifier cette opération est donc globalement fausse.
En revanche, cette banque, comme toutes les banques, peut se financer directement auprès de la BCE… ou de la Bundesbank en cas d’explosion de l’euro.
Cette banque, comme toutes les banques, peut aussi aller déposer ses sous directement à la banque centrale, et l’avantage c’est qu’Airbus ne se fera pas « chyprer » sa trésorerie en ayant ses sous à la BCE.
Et puis comme par hasard, cette banque est en Allemagne. Ce qui est bien, en Allemagne, c’est que c’est l’Allemagne, et qu’en cas d’explosion de l’euro, mieux vaut avoir ses sous en futurs marks qu’en futures lires italiennes si l’on ne veut pas voir sa trésorerie dévaluée de 50 % en une seule journée…
L’avantage d’avoir sa propre banque, c’est qu’il sera toujours temps de négocier une grosse ligne de crédit directement à la BCE pour qu’Airbus puisse soutenir ses sous-traitants en cas de problème sans avoir à passer par des aides nationales… s’il y a encore un État pour venir aider qui que ce soit.
Bref, vous pouvez lister tous les avantages pour Airbus d’avoir une banque qui finance les particuliers… et de vous à moi, il n’y en a pas beaucoup tant cela est éloigné de son métier et tant la banque rachetée n’est pas une banque internationale de financement de gros projets.
Vous pouvez aussi lister tous les avantages qu’Airbus pourrait avoir à posséder une banque de droit allemand en cas de grosse crise européenne, de sortie de l’euro de l’Allemagne, d’explosion de la monnaie unique ou encore d’effondrement du système bancaire.
Dans tous les cas dramatiques évoqués, disposer de sa propre banque permettra à Airbus de protéger au mieux ses intérêts et de poursuivre aussi longtemps que possible ses activités.
Alors faites comme Airbus. Pour vous protéger de la catastrophe qui s’annonce, rachetez une banque allemande, et si vous n’en avez pas les moyens, faites comme moi… achetez de l’or !
Restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes »
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Article de BFM TV sur ce sujet
5 commentaires sur “« Indices d’aggravation de la crise : Airbus rachète une banque allemande ! »”
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