PARIS, 15 octobre – L’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet a appelé les pays européens à se prononcer dès que possible en faveur d’une seule autorité de résolution.
Dans une récente interview accordée à l’agence Xinhua (Chine nouvelle), M. Trichet, qui est actuellement président du Groupe des Trente (Washington) et président du conseil d’administration de l’institut Bruegel (Bruxelles), a souligné l’urgence de faire avancer le projet d’union bancaire en établissant sans délai une seule autorité de résolution.
« La décision d’établir une autorité de résolution unique doit être prise rapidement et j’appelle les Européens à le faire aussi vite que possible », a déclaré M. Trichet, qui considère l’union bancaire comme un élément clé de l' »entreprise historique » de l’intégration européenne.
Pour M. Trichet, qui a présidé la BCE de 2003 à 2011, il s’agit d’une question importante car il faut « faire en sorte que toutes les banques commerciales de la zone euro fonctionnent comme un marché véritablement unique ».
« Ce n’est pas particulièrement dû au fait que les banques européennes ont des problèmes, cat toutes les banques du monde ont des problèmes, sinon au fait que les banques en Europe sont très étroitement liées à l’économie réelle », a-t-il ajouté.
En Europe, les banques financent 80 % de l’économie et les 20 % restants proviennent du marché, tandis que nous sommes dans la situation inverse aux États-Unis, où l’économie est financée à hauteur de 20 % par les banques et de 80 % par le marché.
« Pour l’Europe, le bon fonctionnement des banques est absolument essentiel, beaucoup plus qu’aux États-Unis, par exemple. Pour la zone euro, la situation a été particulièrement difficile car la crise financière a davantage mis sous pression les différents secteurs bancaires de la zone euro, en fonction de la solvabilité des pays », a-t-il expliqué.
Le niveau élevé de corrélation entre la solvabilité d’un pays et celui des banques dans ce même pays rend la réalisation de l’union bancaire d’autant plus indispensable, a indiqué M. Trichet.
« L’idée d’union bancaire veut que, quel que soit le problème qui puisse surgir dans un pays, on puisse disposer d’un véritable marché unique du secteur financier des banques en particulier, de sorte que toutes les banques puissent continuer à fonctionner au mieux », a-t-il ajouté.
Interrogé sur la construction d’une véritable union économique et monétaire (UEM), M. Trichet a déclaré que « c’est en chantier » et qu’il s’agit d’un « processus historique ».
« Lorsque Robert Schuman a prononcé son discours fondateur en 1950, personne n’aurait imaginé un seul instant que nous aurions une monnaie unique dans 18 pays en 2013 », a-t-il poursuivi.
Refusant de se prononcer sur la date de l’avènement d’une véritable UEM, M. Trichet s’est néanmoins dit confiant dans le processus, car il a pu « observer la solidité de cette entreprise ».
« Nous pouvons voir qu’il est très solide et qu’il a résisté à la pire crise de son histoire, en renforçant la gouvernance de 17 pays. Nous avons obtenu l’élection d’un Parlement au suffrage universel par 28 pays », a-t-il souligné.
Citant Jean Monnet, l’architecte en chef de l’unité européenne, M. Trichet a déclaré : « C’est dans les crises que l’on trouve l’impulsion appropriée pour aller de l’avant. Cela a été très clairement démontré dans la période récente ».
« Lorsque l’on observe ce qui a été accompli ces 63 dernières années, on peut se faire une idée de ce qui est susceptible de se produire. Mais pour l’heure la priorité est de mettre en œuvre de façon énergique la gouvernance économique et budgétaire de la zone euro et des 28 pays », a-t-il dit.
L’autre défi urgent que l’UE doit relever c’est de garantir que « l’union politique soit dotée d’une responsabilité démocratique dans le processus. C’est une chose à laquelle nous devons réfléchir et qui accordera probablement plus de pouvoir au Parlement européen », a-t-il expliqué.
Pour ce qui est de la croissance économique en Europe, M. Trichet a noté que les gens attendent maintenant que les chiffres négatifs de la croissance deviennent positifs.
« Mais l’heure n’est pas à l’autosatisfaction », a-t-il fait remarquer, appelant les pays européens à assouplir leurs économies de sorte que le potentiel de l’Europe puisse être exploité, que la confiance revienne, que les consommateurs consomment davantage et que les entreprises investissent plus.
M. Trichet a également commenté le paradoxe suivant : certains disent souvent que l’euro est « sur le point de s’effondrer » ou qu’il va « se volatiliser, disparaître » alors même qu’on dit qu’il est surévalué et que c’est « une monnaie très crédible ».
« Certains sceptiques ont dit que pour faire face à la pire crise qu’aient connue les économies avancées la nouvelle monnaie qui devait émerger en janvier 2009 ne serait pas élastique. Au contraire, cette monnaie a été constamment crédible tout au long de la crise. »
« C’est un signe qu’il y a quelque chose derrière », a-t-il souligné, demandant à ces personnes de regarder l’effort historique, en adoptant une vision à long terme.
La crédibilité et la résilience de la zone euro peuvent également être mises en évidence par le fait que « trois nouveaux pays sont entrés ou vont entrer dans la zone euro depuis l’effondrement de Lehman Brothers, à savoir la Slovénie, l’Estonie et la Lettonie ».
Et M. Trichet de mettre en garde néanmoins : « La tâche est encore immense. Rien n’est écrit. L’histoire n’est pas écrite. »
« L’avenir de la zone euro dépendra de la volonté des Européens à continuer à améliorer leur gouvernance économique et financière, ce qui a été fait en grande partie sous la pression de la crise et doit se poursuivre, ainsi qu’à appliquer strictement ce qui a été décidé et à prendre de nouvelles décisions lorsque cela est nécessaire, notamment en ce qui concerne le renforcement de la responsabilité démocratique », a déclaré l’ex-président de la BCE.
Agence de Presse Xinhua