En 2008, le Parlement avait déjà donné un sérieux coup de canif dans la loi des 35 heures (loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail), et voilà qu’aujourd’hui le gouvernement de Manuel Valls s’efforce d’achever discrètement la pauvre bête en essayant de ne froisser personne.
D’abord, pas moins de 6 rapports en 8 mois ont été commandés pour tenter de détricoter le code du travail (qui en a bien besoin, c’est vrai) et d’assouplir le carcan du temps de travail. Le dernier rapport en date a même été signé par le grand Robert Badinter lui-même.
Ensuite, 8 ans après avoir accepté qu’une convention locale puisse permettre à une entreprise de s’affranchir de la limite des 35 heures à condition de payer un supplément de 10% minimum dès la 36e heure travaillée, on laisse désormais planer le doute sur la possible suppression de cette obligation. En clair, les entreprises pourraient être autorisées à choisir n’importe quel pourcentage de rémunération des heures supplémentaires sans plus être limitées par ce plancher de 10%. Et n’importe quel pourcentage, cela signifie aussi 0%. Exit la limite des 35 heures ?
Certes, Myriam El Khomri, notre ministre du Travail junior, s’est déclarée ouvertement favorable au maintien des garanties minimales en matière de rémunération des heures supplémentaires (sous-entendez « on garde la majoration de 10% minimum »). Mais son habile collègue Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, semble quant à lui parfaitement déterminé à sacrifier la durée légale du temps de travail sur l’autel de la flexibilité, à la demande des entreprises. Entre les deux, on pourrait s’attendre à ce que le Premier ministre vienne jouer son rôle d’arbitre, mais il semble qu’en réalité les dés aient déjà été jetés par le chef de l’État lui-même. François Hollande a en effet déclaré le 18 janvier dernier, devant le Conseil économique et social, que les accords d’entreprise permettront dorénavant de «fixer le taux de majoration ou le nombre d’heures supplémentaires». Difficile d’être plus clair.
Alors évidemment, chacun brandit sa fourche, son drapeau ou sa cocarde, et le bon peuple qui suit tout cela de loin (en sachant très bien qu’on ne lui demandera pas son avis de toute façon) finit par croire que le sujet est d’importance. Parbleu ! On veut nous spolier, nous oter le pain de la bouche, nous soulager de 10% durement gagnés à la sueur de notre front !
Oui mais, juste pour bien comprendre, ceux qui risquent d’être concernés vont principalement appartenir à la catégorie des non-cadres (en France, les usages font que les cadres ne comptent pas leurs heures supplémentaires). En 2015, le salaire moyen des non-cadres en France tournait aux alentours de 1.556 euros bruts, soit 6.7% au-dessus du salaire minimum. Comme on ne va pas chipoter pour des pouillèmes, on va arrondir ça à 10 euros bruts de l’heure. En outre, chaque salarié a « droit » à un contingent maximum de 220 heures supplémentaires par an, c’est à dire qu’on ne pourra pas lui demander d’en accomplir davantage. Dans la réalité, la moyenne s’établit à 120 heures supplémentaires par an, soit 10 heures de plus par mois.
Un rapide calcul vous amènera donc à la conclusion logique que syndicats et analystes socio-politiques nous prédisent une nouvelle révolte des masses populaires pour environ… 10 euros bruts par mois, soit un peu moins de 8 euros nets (un paquet de clopes quoi). Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’ai un doute quant à l’issue dramatique et brutale de toute cette histoire.
En tout cas, personnellement, quitte a sortir dans les rues pour 8 euros par mois, je préfère encore que ce soit pour me payer un bon ciné…