Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Être un « pessimiste » n’est pas de tout de repos, ou disons plus simplement que ce n’est pas la meilleure façon d’avoir une vie sociale pléthorique et tout plein d’amis. Les gens n’aiment pas les mauvaises nouvelles car elles obligent à un questionnement et à une remise en cause pouvant être profonde de sa façon de faire ou de vivre. Finalement, beaucoup préfèrent la douceur des mensonges à la dure réalité de la vérité.
Depuis le début de la crise qui, je le rappelle, peut être datée pour le commun des mortels à l’été 2007 et connue sous le nom de crise des subprimes, il s’est passé presque 7 années. J’aime beaucoup rappeler cette durée car elle permet à tous de bien se rendre compte qu’une crise qui dure depuis 7 ans… n’est pas une petite crise passagère.
Cela fait donc 7 ans que l’on ment de façon éhontée avec la complicité tacite des peuples qui veulent par-dessus tout dormir tranquillement et se bercer de douces illusions. Tout va continuer comme avant.
Pour que ce « désir » profond et inconscient des peuples puisse prendre corps, pour que l’illusion fonctionne, il faut orchestrer l’information afin d’étayer l’idée que la crise est finie. Elle a commencé il y a 7 ans, et chaque année qui passe apporte son lot de dégradations mais… tout est comme avant. Tout va bien. À en croire notre ami Pierrot atteint de moscovicite aiguë, tout irait même de mieux en mieux !
Comprenons-nous bien. Il n’y a aucune « théorie du complot », terminologie utilisée uniquement afin de faire passer les détracteurs d’un système pour des crétins pathétiques. Il y a en revanche, et c’est une évidence, une « communauté d’intérêts » ! Tous ceux qui profitent du système ont intérêt à ce que le système vive le plus longtemps possible. Cette communauté d’intérêts réunit aussi bien les gouvernements des grandes économies occidentales (menées par les USA) que les banques centrales (qui ont coordonné leurs actions pendant toute cette crise et de façon parfaitement affichée), que les grandes banques et les grandes institutions financières qui, au-delà des guerres commerciales qu’elles peuvent se mener, sont évidemment capables de se retrouver pour défendre « leur profession » des risques que posent certaines idées de « régulation », ou encore les grandes entreprises, ces multinationales sans patrie, dont le seul objectif est d’amasser sans cesse plus de profits sur ce terrain de jeu extraordinaire que représente la « mondialisation ». Bref, tous ces « intérêts » se rejoignent parfaitement et forment cette « communauté d’intérêts » qui permet de concerter des actions et de faire avancer les choses dans la direction souhaitée, à savoir maintenir un système à bout de souffle. Comme nous vivons tous dans ce monde avant tout bâti sur l’idée de confiance, il devient donc crucial de maintenir le « moral des troupes », c’est-à-dire le moral du troupeau mondial de moutons décérébrés à la télé-réalité (qui n’a de réalité d’ailleurs que le nom) dont la seule utilité est de consommer et donc d’assurer au « système » ses profits.
Pour bien se faire faire les poches, le mouton doit avoir confiance. Il faut logiquement, et par tous les moyens, maintenir le degré de confiance y compris en le montant au cric de façon artificielle. C’est pour cette raison assez facile à comprendre que nous vivons depuis 7 ans dans un monde de mensonges permanents et « en ces temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire ».
Le dernier mensonge d’une agence de notation et pas des moindres !
UE : Moody’s entrevoit la fin de la crise de la dette
C’est une dépêche de l’AFP – qui, en art du mensonge et de la manipulation, commence à avoir une expérience de plusieurs décennies comme d’ailleurs l’ensemble des agences de presse de cette planète – qui nous a annoncé que « l’agence de notation Moody’s a fait part vendredi d’un regain d’optimisme pour les finances de l’Union européenne (UE), pointant notamment la « diminution » des risques liés à la crise de la dette dans la zone euro.
L’agence américaine, qui évalue la solvabilité des émetteurs de dette, a d’abord confirmé le triple « Aaa » assigné à l’Union européenne, la note maximale qui permet en théorie d’emprunter à plus bas coût auprès des marchés ».
Pour l’agence Moody’s, en Europe, tout va de mieux en mieux (ce qui n’a pas empêché Mario Draghi, le patron de la BCE qui ne voyait pas de déflation en Europe il y a 10 jours, de nous annoncer vendredi dernier qu’il se préparait à combattre la déflation qui n’existe pas mais qui est quand même là, ce que tout le monde sait). Mais Moody’s, qui représente les intérêts de la grande finance anglo-saxonne, va encore plus loin dans la présentation de sa « félicité européenne ».
« Elle ne s’est toutefois pas arrêtée là et a relevé de « négative » à « stable » la perspective de l’UE, indiquant ainsi qu’elle n’envisageait plus d’abaisser la note de l’Union à moyen terme.
Dans son communiqué, l’agence affirme ainsi que les risques pesant sur la zone euro ont « diminué », permettant de réduire la pression qui pesait sur la qualité des actifs financiers détenus dans la région et sur la solvabilité de l’ensemble de l’Union. »
Il est vrai que la « solvabilité » de la France s’améliore, que celle de l’Italie est au beau fixe et que l’endettement de l’Espagne est en forte baisse (c’est évidemment ironique). Il est donc techniquement impensable de défendre un tel point de vue. Autant vous pouvez à la limite défendre l’idée que tout n’est pas aussi catastrophique que certains veulent bien le dire… autant dire que la solvabilité des pays européens s’améliore et justifie une amélioration des notes… n’est ni plus ni moins qu’un grand mensonge.
L’AFP, qui ne réussit pas à cacher sa surprise, écrit même (vilain journaliste qui arrive à dire la vérité en gardant son boulot en étant obligé de coder les choses) :
« Dans son communiqué, l’agence ne fait curieusement pas référence à la Grèce, épicentre de la crise de la dette dans la zone euro, alors que le pays reste encore sous perfusion financière et continue d’inquiéter ses créanciers internationaux. »
Avouez que c’est mignon quand même comme petite remarque acerbe glissée subrepticement dans un communiqué digne de la Pravda de la meilleure époque !
Bref, le mouton européen standard doit comprendre et retenir simplement que tout va de mieux en mieux (même si lui ne s’en rend pas compte) et que même les agences de notation (qui étaient super méchantes il y a encore quelques mois lorsqu’elles nous suppriment quelques « A » dans notre notation) sont optimistes ! Alors franchement, c’est qu’évidemment les choses vont vraiment mieux !
Le fait que les agences de notation, et vous verrez que Moody’s ne sera pas la seule mais la première à le faire, vont toutes nous affirmer d’ici aux élections européennes que ça y est, là, cette fois, l’Europe est sur le chemin du retour du bonheur pour tous les peuples… qui risquent fort d’exprimer autre chose dans les urnes… C’est évidemment lié, et le monde de la finance anglo-saxon n’a pas envie, mais alors pas du tout envie que ces vilains moutons européens commencent à envoyer en masse au Parlement européen des députés… opposés à cette forme de construction européenne… façonnée avant tout par l’idéologie libérale des banquiers internationaux !
Alors on va essayer de vous faire croire pendant quelques semaines que tout n’est pas aussi noir que ce que vit une partie non négligeable des peuples d’Europe, à savoir une crise économique très forte qui dure depuis 7 ans et qui dégrade progressivement le niveau de vie des gens.
Évolution inquiétante de la dette mondiale, qui bat tous les records
Alors évidemment, cette nouvelle sortie de Moody’s est parfaitement bidon et beaucoup d’entre vous ont dû croiser cette information la semaine dernière qui nous apprenait que la dette mondiale n’avait jamais été aussi importante et qu’elle dépassait désormais les 100 000 milliards de dollars !
« Un chiffre époustouflant qui a été rendu public par la Banque des règlements internationaux, la BRI, un organisme peu connu du grand public, situé à Bâle, en Suisse, et qui est un peu la Banque centrale des banques centrales. »
Oui, car ce chiffre de 100 000 milliards est donné par la BRI dans son dernier rapport et ce n’est pas le seul chiffre d’ailleurs que la BRI a communiqué à cette occasion.
« Le montant de la dette mondiale, 100 000 milliards de dollars, fait frémir. C’est plus que le total de la richesse produite dans le monde en un an. Le PIB mondial s’élève à 75 000 milliards seulement. Et encore, la dette comptabilisée par la Banque des règlements internationaux (BRI) ne comprend que l’endettement public et celui des entreprises et des sociétés financières, mais pas la dette des ménages. Et le plus inquiétant, c’est l’évolution de cet endettement. Car la dette mondiale a été multipliée par deux et demi depuis l’an 2000. Elle atteignait 40 000 milliards de dollars il y a treize ans, 70 000 milliards en 2007 avant la crise, et maintenant, 100 000 milliards… ! »
Conclusion : en 7 ans de crise, non seulement la situation ne s’est pas améliorée, mais cela s’est très fortement dégradé !
« Avec la crise financière, c’est la dette des États qui a le plus augmenté. Elle a bondi de 80 % en six ans car les gouvernements sont venus à la rescousse de leurs banques, mises en difficultés par la crise des subprimes, en les recapitalisant. Les États ont également dû soutenir leurs économies face au ralentissement de la croissance mondiale. Pour financer ces dépenses supplémentaires, ils ont eu massivement recours à l’émission d’obligations. Le total de la dette publique atteint désormais 43 000 milliards de dollars, ce qui correspond à plus de 6 000 dollars par habitant de la planète et 70 % du PIB mondial. »
Conclusion : en 7 ans de crise, non seulement la situation ne s’est pas améliorée, mais cela s’est très fortement dégradé ! La dette des États augmente en moyenne de 80 % pendant cette période ! 80 % !! Raison pour laquelle Moody’s conclut sans vergogne que tout va beaucoup mieux. Il y a de quoi être atterré.
« Cette accélération ne concerne pas tous les pays de façon similaire. Tous n’ont pas été touchés de la même façon par la crise. Par exemple, en Espagne, la dette publique est passée de 36 % à 84 % du PIB espagnol. L’Italie est à 132 % de dette publique par rapport au PIB, alors que les critères de Maastricht pour la zone euro la limitaient à 60 % du PIB. Les États-Unis en sont à 111 % de dette publique et le record est au Japon où l’endettement public atteint 245 % du PIB. Dans le même temps, les entreprises non financières ont augmenté leur endettement afin de surmonter la crise. Faute de pouvoir faire appel aux banques qui avaient drastiquement resserré l’accès au crédit, ces entreprises se sont davantage tournées vers les marchés financiers. Leur endettement est actuellement de 10 000 milliards de dollars. »
Conclusion : en 7 ans de crise, non seulement la situation ne s’est pas améliorée, mais cela s’est très fortement dégradé… et c’est en Europe que la dégradation est la plus marquée… c’est sans doute pour cela que Moody’s se montre aussi « optimiste » !
Et cet article de RFI, que je suis en train de vous citer au sujet de ce dernier rapport de la BRI, de poursuivre avec beaucoup d’humour :
« L’endettement a-t-il atteint un niveau dangereux ? Pas nécessairement, même si la situation de la Grèce ou de Chypre peut faire penser le contraire ! » C’est sûr ! Lorsqu’un État est en faillite, si l’on prend tout simplement l’argent et l’épargne des gens, eh bien on est en mesure de réduire cet endettement ! En volant les épargnants, tout ira mieux… alors attendez patiemment d’être « chyprés » mes braves moutons !
Le meilleur passage étant sans conteste la conclusion de cet article basé sur la rapport de la BRI :
« Peu de solutions
Pour diminuer leur endettement, beaucoup de pays ont donc opté pour l’austérité budgétaire. Mais on s’aperçoit maintenant que la réduction de la dépense publique est une solution très contre-productive, si l’on espère relancer la croissance économique. Autre possibilité, doper la croissance afin d’améliorer les rentrées fiscales. Mais de ce côté-là, pour beaucoup de pays, pas grand-chose à attendre en 2014. En France, une croissance de un à un et demi pour cent ne va pas inverser la tendance. Pas question non plus de compter sur l’inflation pour rendre la dette moins pesante, au moins en zone euro. Certains évoquent un effacement partiel de la dette mais cela a l’inconvénient de faire perdre confiance dans la signature des États et de léser les prêteurs. Il reste donc peu de possibilités pour éviter d’être submergés par la dette, si ce n’est maintenir les taux d’intérêts à des niveaux très faibles. Mais, là encore, l’inconvénient est que les épargnants ne sont pas incités, vue la faible rentabilité de leurs placements, à prêter leurs économies. »
Ou comment vous expliquer que de toute façon, et quel que soit le chemin que vous empruntiez, la messe est dite et le système tel que nous le connaissons va connaître une grande remise à plat, mais alors très grande et votre épargne évidemment avec. En attendant, le grand mensonge continue et permet à la majorité du troupeau, après 7 ans de crise, de continuer à croire que tout sera comme avant.
Restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes »
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