Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Comme vous l’avez sans doute remarqué, nous sommes en pleine saison d’abaissement des prévisions de croissance économique par les grandes institutions qui ne se trompent jamais puisqu’au mois de septembre, elles recalculent toutes les « nouveaux » taux de croissance pour arriver à peu près en ligne avec la réalité d’ici la fin de l’année, ce qui ne les empêchent nullement de reprédire n’importe quoi pour l’année suivante.
Depuis le début du mois, c’est donc un festival de corrections annoncées par le FMI, l’OCDE, la FED ou encore la BCE. Bref, tout le monde y va de son couplet. Cela ne m’a pas empêché de passer pour un imbécile dans les dîners en ville pendant les 6 premiers mois de l’année lorsque j’annonçais que les taux de croissance économiques seraient ridiculement bas. Ce sera également le cas l’année prochaine car pour 2015, le taux de croissance est globalement « plié » et ne pourra pas, sauf surprise totale, dépasser en tout cas pour la France un taux de 1 %. Ce chiffre est pour le « plafond ». Pour le plancher, nous ne sommes, par définition, pas limité dans la « croissance négative » potentielle et voir la France replonger en récession est parfaitement envisageable.
L’arme de la BCE pour contrer les risques de déflation et de récession
Consciente de ces risques, la Banque centrale européenne, la BCE, a décidé il y a quelques semaines de lancer une opération gigantesque de rachats de dettes aux banques. En gros, les banques commerciales (la vôtre) apportent les créances correspondant aux crédits qu’elles ont déjà octroyés à la BCE qui, en échange, leur donne le montant correspondant à un taux proche de zéro leur permettant (à ces banques commerciales) de dégager le même montant de nouveaux prêts qu’elles pourront engager.
L’idée c’est évidemment d’encourager le crédit aux entreprises, censées investir et donc grâce à ces nouveaux crédits « pas cher », et créer la croissance économique de demain.
Sauf que cela n’a pas franchement bien fonctionné, et que c’était somme toute totalement prévisible (et prévu dans les colonnes du Contrarien Matin par votre serviteur ici présent)… encore une fois !
Pourquoi ? Parce que l’investissement et donc l’emprunt des agents économiques privés, cela ne se décrète pas d’un oukase, fut-il en provenance de la BCE.
Quelles sont les conditions requises pour qu’un agent économique investisse et emprunte ? C’est assez simple à comprendre : l’agent économique, vous, moi, lui, nous avons besoin de visibilité. En empruntant, nous faisons un pari sur nos rentrées d’argent futures. En empruntant, nous dépensons immédiatement ce que nous pensons pouvoir gagner dans les années à venir.
Si vous ne pensez pas pouvoir gagner d’argent demain, vous n’emprunterez pas aujourd’hui.
Autre élément, c’est l’histoire du rendement du « placement ». Bon, en langage économique, cela peut prendre des sigles barbares du type ROI (« return on investment ») ou ce genre de chose. Le principe est très simple. Vous empruntez 100 euros à 3 %. Le crédit (hors amortissement du principal) va vous coûter déjà 3 euros d’intérêt par an. Si ces 100 euros vous permettent d’investir pour profiter d’une croissance économique de 10 %, soit 10 euros, alors il vous restera 7 euros après avoir payé vos 3 euros d’intérêt. Mais lorsque la croissance est anémique et qu’elle est comprise entre 0 et 1 % et que votre crédit vous coûte déjà 3 euros tous les ans, vous êtes sûr de perdre au moins entre 1 et deux euros… Votre investissement n’est par nature pas rentable, vous ne prendrez donc pas la décision d’emprunter pour faire plaisir à la BCE.
Dans la vraie vie économique, le phénomène que je viens de décrire est un peu plus complexe que cela, évidemment, mais la logique est en tout point identique.
Conclusion logique : lorsqu’il n’y a pas de croissance économique, lorsqu’il n’y a pas de perspectives de croissance crédibles, lorsqu’il n’y a pas de confiance des ménages, lorsqu’il n’y a pas de stabilité fiscale, lorsqu’il y a un risque évident d’augmentation de la fiscalité liée à la menace que font peser des montants de dettes publics monumentaux, alors les agents économiques privés n’ont pas envie d’investir. La réalité est aussi simple que cela et je suis le premier à vous conseiller de vous désendetter si vous le pouvez plutôt que de vous reprendre encore plus de crédit. Plus vous serez libre financièrement parlant, mieux vous pourrez aborder la tempête qui s’annonce. Y compris même en terme de potentiel car vous aurez une capacité d’endettement intact pour profiter d’une période où vous pourrez peut-être racheter des actifs bradés lorsque plus personne n’aura les moyens de le faire (acheter au son du canon et vendre au son des violons).
Déconvenue pour la BCE lors d’un nouveau prêt géant aux banques
L’AFP a donc découvert avec une forme de surprise que « la Banque centrale européenne (BCE) a essuyé jeudi une déconvenue lors du lancement d’un nouveau programme de prêts géants destinés aux banques européennes, qui pourrait prochainement la contraindre à tirer sa dernière cartouche : l’achat d’obligations souveraines, selon des analystes.
L’institution monétaire de Francfort a annoncé jeudi avoir prêté 82,6 milliards d’euros à 255 banques européennes, dans le cadre d’un prêt ciblé sur quatre ans, le premier d’une série de huit opérations baptisées TLTRO (Targeted long-term Refinancing Operations), annoncées début juin pour inciter les banques à prêter davantage au secteur privé et dynamiser une économie en berne en zone euro.
Parmi les banques ayant répondu présentes, l’italienne Unicrédit a déjà annoncé avoir emprunté 7,75 milliards d’euros, tandis que l’espagnole Santander a levé 3,6 milliards.
Le résultat de ce premier TLTRO est « décevant », souligne Johannes Gareis, analyste chez Natixis. Les observateurs tablaient sur une demande d’au moins 100 milliards d’euros lors de ce prêt, dont l’échéance est fixée à septembre 2018. »
Logiquement donc les faits, qui ont une fâcheuse tendance à être têtus, montrent bien que l’idée de la BCE ne fonctionne pas. Cela veut dire d’abord que le cercle vicieux déflationniste est bien engagé, en tout cas pour l’aspect investissement des entreprises et plus largement des acteurs économiques privés, mais également que la croissance future ne sera pas là.
En son absence, il est évident que le problème des dettes d’États va poser… un gros problème puisque l’endettement des États, comme tout endettement, repose sur l’idée de revenus futurs en hausse, or sans croissance économique point de revenus futurs, c’est-à-dire point de salut.
Les économistes commencent enfin, après plus de 7 ans de crises, de plans de relances et de promesses désespérantes, à poser la seule et bonne question : avons-nous encore un potentiel de croissance et si non, comment faire ?
François Hollande avait fait le pari calamiteux jusqu’au mois d’août d’attendre le retour de la croissance magique.
La BCE va-t-elle se mettre à racheter des obligations d’États ? Rien n’est moins sûr tant l’opposition allemande est forte sur ce sujet.
Nous sommes à la croisée des chemins et nous devrons collectivement apporter des réponses à cette crise dans une perspective proche. Si la France a échappé une fois encore à une nouvelle dégradation de sa note souveraine, ce n’est que partie remise en attendant notre budget 2015… Hollande peut toujours promettre qu’il n’y aura pas de hausse d’impôts, c’est impossible ; mais il est vrai que les impôts, c’est l’État. Tout le reste c’est soit de la fiscalité locale, soit des taxes. Ce n’est pas pareil ! En tout cas en termes de promesses mais dans les faits, c’est toujours beaucoup moins d’argent dans la poche des gens à la fin du mois.
Préparez-vous et restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
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5 commentaires sur “« L’échec cuisant de la BCE et de son TLTRO !… »”
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