Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
C’est une lettre d’Edouard Carmignac, l’un des plus gros gestionnaires de fonds français et également l’un de ceux dont la réussite fut la plus fulgurante.
Il a écrit au mois d’avril une lettre qui m’avait échappé au président de la République mais qui n’a toujours pas pris une ride tant la politique gouvernementale n’a pas changé de ligne d’un iota.
Je vous la reproduis ici intégralement :
« Monsieur le Président,
Il y a à peine neuf mois, je saluais votre élection et l’opportunité historique dont vous disposiez de réformer notre pays en profondeur avec un large soutien de l’ensemble du corps social.
Je me permettais également de vous mettre en garde sur les menaces funestes que constituaient les premiers projets annoncés par votre gouvernement. N’ayant pas été écouté, je me dois de vous exprimer ma conviction que la poursuite du cap actuel mène la France à une triple impasse, économique, politique et morale.
L’activité fléchit bien au-delà des prévisions rassurantes de vos services et notre anticipation d’une chute du PIB proche de 1 % cette année ne facilitera ni une stabilisation du chômage ni une réduction du déficit budgétaire. Est-ce là si étonnant ? M. Ayrault a fait le choix malheureux de ne pas réduire le train de vie de l’État et de tenter de combler le déficit public en ponctionnant ménages et entreprises. Utiliser la dépense publique comme volant stabilisateur en cas de ralentissement conjoncturel a un sens, et financer ce surcoût de charge par un prélèvement temporaire sur les plus hauts revenus n’est pas déraisonnable. Mais refuser de proposer un plan crédible de réduction du train de vie de l’État dans une économie condamnée par la faiblesse de sa compétitivité à une croissance durablement lente, alors que la dépense publique atteint 57 % du PIB et qu’elle n’est couverte qu’à 90 % par l’impôt, est suicidaire.
En effet, la crise de confiance engendrée par la fuite en avant des finances publiques suscite des effets en chaîne difficilement maîtrisables. Comment inciter les ménages à consommer, si la peur de l’impôt et du chômage prévaut ? Comment inciter les entrepreneurs à investir dans un marché intérieur à visibilité réduite, alors qu’ils sont en outre l’objet d’une fiscalité confiscatoire ? La tentation de l’exil se renforce et pas seulement auprès des états-majors de nos entreprises, mais aussi auprès de nos jeunes diplômés, pénalisant ainsi le redressement à venir.
L’ivresse du bateau secteur public n’est pas de votre fait. La France est le seul pays développé dont la croissance des fonctionnaires excède celle des emplois du secteur privé depuis 1987. Sa mise sous contrôle devient une affaire de moralité et de salut public, tant il est équitable que l’épreuve du redressement compétitif soit partagée par tous et tant il est inconcevable que l’activité s’améliore en l’absence d’un programme de réformes crédibles permettant de mettre un terme à l’austérité.
Dotons-nous d’un gouvernement courageux et visionnaire. La France a nombre d’atouts pour faire face à l’enlisement qui nous menace, au premier rang desquels des entrepreneurs de grande qualité faisant trop souvent ces derniers mois figure de persécutés. Mais le temps presse. L’accélération de l’histoire européenne est en marche et le discrédit dont souffre la classe politique italienne doit donner à réfléchir.
Dans cet espoir, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération choisie. »
Je ne connaissais pas l’expression « de ma considération choisie ». Cela veut-il dire que c’est au lecteur, en l’occurrence le Président Hollande, de choisir le niveau de considération envoyé par son expéditeur ?
Bon, on s’en fiche, en tout cas je retiens le coup de ma « considération choisie ». Je suis sûr que vous aussi, en tout cas pour un certain nombre de beaufs de la France d’en bas dont je fais partie et qui ne connaissait pas cette expression.
Le problème de la dépense publique
Oui il y a une crise, oui il n’y a plus de croissance, oui c’est très compliqué, oui nous avons un problème de modèle économique au niveau mondial, oui il y a un petit souci sur la disponibilité des matières premières en raréfaction, et oui nous nous heurtons à la fin de la croissance infinie dans un monde fini.
Mais nous avons un autre problème qui nous est plus spécifique : la dépense publique.
Dans notre pays, nous sommes des malades mentaux, des psychopathes des dépenses publiques. Dès qu’il y a un truc qui se passe, nous nous tournons vers l’État et dès qu’il se passe un truc, l’État vient fourrer son nez dedans. C’est compulsif, d’un côté comme de l’autre. Une véritable dépendance mutuelle s’est instaurée depuis en tout cas la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Or Edouard Carmignac soulève dans son courrier au président de la République un élément central.
« (…) la dépense publique atteint 57 % du PIB et (qu’elle) n’est couverte qu’à 90 % par l’impôt (…) »
Les conséquences d’un tel chiffre
Les conséquences d’un tel chiffre sont dramatiques. Pour Carmignac, c’est même « suicidaire », et il a raison puisque cela ne mène qu’à un seul résultat, inéluctable… la faillite de notre pays, de notre État, de nos institutions et à un drame social inévitable.
Chaque semaine qui passe, le gouvernement nous annonce la hausse d’un impôt ou d’un prélèvement obligatoire pour pouvoir poursuivre une politique de redistribution devenue obèse et qui ponctionne désormais largement plus de la moitié de la richesse produite dans notre pays.
Rajoutons quelques chiffres pour bien comprendre
…Pour bien comprendre l’étendu du problème.
Nous sommes, en gros, 65 millions d’habitants en France. Ce qui est important, ce sont les grandes masses. Nous ne sommes plus à 1 ou 2 millions de personnes près !
Sur ces 65 millions de personnes, nous retirons les enfants et les retraités et nous arrivons à une population active d’environ 24 millions de personnes.
Dans cette population active, il y a les chômeurs qui, même s’ils sont inactifs, sont considérés comme pouvant travailler. Soit environ 6 millions de personnes au bas mot.
Il nous reste donc 19 millions de travailleurs. Auxquels il faut retrancher les 9 millions de personnes travaillant pour moins de 790 €, essentiellement en raison de ce que l’on appelle le temps partiel subi.
Nous arrivons donc à une grosse dizaine de millions de personnes appelées les « zaisées » qui travaillent et touchent un salaire égal ou supérieur au SMIC.
Hélas, dans ce lot, il y a quelques millions d’agents de la fonction territoriale et quelques millions de fonctionnaires (rien que pour l’Éducation nationale, on parle d’au moins 900 000 personnes). Faisons une cote mal taillée et considérons que le public et parapublic représentent 4 millions de personnes.
Vous obtenez un total de 6 millions de personnes productives et créant de la richesse pour faire vivre, financer, et nourrir 65 millions de personnes.
Attention, lorsque je dis cela, je ne dis pas que ceux qui travaillent à l’hôpital par exemple ne travaillent pas ou qu’ils ne produisent pas quelque chose, mais ils produisent de la dépense, ils ne créent pas de richesses au sens économique du terme, ce qui ne retire rien au fait qu’ils nous soient à tous indispensables. Les pompiers c’est pareil, les policiers idem et les profs la même chose, pourtant nous voulons tous bien évidemment une école ! Mais l’école ne produit pas de richesses directement et pour fonctionner, en revanche, elle ponctionne beaucoup de la richesse produite.
Vous pourrez retourner ces chiffres dans tous les sens, vous arriverez sensiblement au même résultat. Un résultat effrayant qui montre la profondeur des problèmes auxquels nous faisons face et qui, disons-le, sont insolubles pour le moment.
Ces problèmes sont insolubles car nous raisonnons toujours de la même façon, comme un vieux disque rayé nous refaisons la même chose, en appliquant la même stratégie, à savoir augmenter les impôts, encore, encore et encore… Et lorsque l’on arrive à court d’idée, on augmente encore les impôts.
Sauf que ce système approche de sa fin puisqu’à force de ponctionner la richesse produite par les « zautres », ces « zautres » en produisent de moins en moins et sont de moins en moins nombreux.
Ils ne sont plus que 6 millions pour une population de 65 millions de personnes.
Alors que ceux qui ne veulent pas voir, continuent à ne pas voir, mais le choc avec le mur de la réalité sera très violent et il se rapproche.
Charles SANNAT
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Lire la lettre ouverte originale d’Edouard Carmignac