Depuis quelques années, on se pose la question sur LORetLARGENT.info : les monnaies complémentaires et les monnaies locales sont-elles une véritable alternative à l’euro ? Peuvent-elles proposer une solution viable pour éviter le système bancaire ? Et surtout, quel refuge offrent-elles en cas de crise ? Quelques années après le « boom » des monnaies complémentaires et locales en France, c’est l’occasion de faire le bilan.
Contester l’euro et soutenir l’économie locale
La tendance à la monnaie locale est particulièrement forte depuis 2011. Elles ont plusieurs noms selon la ville ou la région où elles sont proposées mais surtout, les monnaies locales sont considérées comme des monnaies éthiques, alternatives ou encore solidaires. Leur principe : offrir un moyen de paiement alternatif à l’euro, basé sur un système local reconnu par les partenaires. En général, les initiateurs d’une monnaie locale pensent aussi à l’économie régionale : les artisans, leur savoir-faire et les produits locaux sont particulièrement mis en valeur.
Le manque de confiance envers l’euro est aussi l’un des moteurs des nombreuses monnaies locales. La monnaie solidaire est le reflet d’une crainte d’une crise économique en France et en Europe encore plus marquée. Dotée de sa propre monnaie, l’économie locale est ainsi consolidée, sans risque de crise de liquidité. Mais le système a ses limites.
Plusieurs dizaines de monnaies locales en France
Le mouvement a donné naissance à de nombreuses monnaies locales en France. Il y a eu d’abord les précurseurs, comme à Toulouse, où le sol-violette a été lancé au printemps 2011. Brest a ses heols, Libourne son MIEL, le Pays basque son eusko, Villeneuve-sur-Lot son abeille… Au total, une soixantaine de monnaies locales agitent leur coin de France, qu’elles soient déjà en circulation ou encore au stade du projet. L’Auvergne, le Béarn et Lyon font partie des lieux où une monnaie locale est en gestation.
L’une des limites de la monnaie solidaire est en effet de ne pouvoir être utilisée qu’au niveau local. Selon le code pénal, il faut une unité monétaire sur l’ensemble du territoire… et l’euro a déjà pris la place ! Les détenteurs de cette monnaie ne peuvent l’utiliser qu’auprès de commerçants ou d’artisans partenaires. Impossible par exemple de payer un artisan basque avec des abeilles, même si cet artisan est un fervent défenseur de la monnaie locale !
Après le boom des monnaies locales, quel est le bilan ?
Selon un article de Libération.fr, publié le 2 janvier 2014, le bilan des monnaies locales n’est finalement pas si rose. D’abord, cette limitation géographique de la monnaie locale, qui reste un obstacle de taille, n’est pas prête d’être solutionnée. Ensuite, le « manque d’enthousiasme du public et la baisse de motivation des militants associatifs de la première heure » risque aussi de faire du mal aux monnaies solidaires. Selon le quotidien, plusieurs ont d’ailleurs déjà disparu : « Le tiok dans l’Ain, la bogue en Ardèche ou le deodat dans les Vosges. »
Dans un article publié à la même date, Libération.fr laisse aussi la parole à des commerçants basques : dans le sud-ouest, l’eusko a été mis en place il y a plus d’un an, en janvier 2013. C’est probablement l’une des monnaies locales les plus utilisées, avec « 110 commerçants à Bayonne et 450 sur tout le Pays basque ». Le quotidien interroge d’ailleurs l’un de ces commerçants : « Au début, on recevait 40 ou 50 euskos chaque jour. Passé l’effet de mode, on en est à une vingtaine. » Sans oublier que l’eusko prend sa place dans un contexte culturel spécifique : lorsqu’elles adhèrent, les entreprises doivent s’engager en faveur du commerce local et de la promotion de la langue basque.
Selon Michel Lepesant, le fondateur du site Monnaie-locale-complementaire.net, interrogé par Libération, les monnaies complémentaires de type sol « sont un échec ». Il précise que « les utilisateurs potentiels ont du mal à comprendre l’intérêt de faire en monnaie locale ce que l’on peut déjà faire en euros ». Car il ne faut pas oublier que le taux de change des monnaies locales s’établit à un pour un avec l’euro. Et ce qui peut sembler pratique pourrait bien, finalement, causer du tort à une monnaie qui reste trop liée avec l’euro.
Les monnaies locales ne sont pas une solution en cas de crise
Complémentaires de l’euro – car tous les achats ne peuvent être réglés avec une monnaie locale –, les monnaies locales en sont aussi dépendantes. Le taux de change de un pour un en est une preuve. La monnaie locale reste adossée à l’euro… et à ses risques. En cas de grave crise économique, si l’euro devait subir une forte dépréciation, la valeur des monnaies locales serait probablement dévaluée d’autant.
Monnaie papier qui n’est adossée à aucune valeur tangible, la monnaie locale est destinée à un usage immédiat. Elle ne permet donc aucune épargne dans le temps. Certaines monnaies locales sont d’ailleurs « fondantes » : leur valeur décroît avec le temps, une fois un délai de trois mois passé. Cet aspect est censé favoriser leur circulation. Mais dans ces conditions, impossible de garder des valeurs chez soi pour les coups durs… et heureusement que cette valeur fondante ne caractérise pas l’or, refuge par excellence !
Car si l’or garantit le capital des particuliers, il pourrait aussi garantir une solidité du système monétaire. L’or comme l’argent sont d’ailleurs longtemps restés des modes de paiement reconnus, et dans le monde entier d’ailleurs. Sans pour autant qu’une pièce ne perde de sa valeur : avec une once d’or, on peut acheter sensiblement les mêmes valeurs qu’au début du siècle. Pour développer une monnaie solidaire de référence, c’est sans doute vers un étalon or qu’il faudrait se tourner. Une solution qui permettrait aux particuliers de payer les pots cassés en cas de faillite bancaire, ou de crise économique à grande échelle.