Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
C’est une journée animée et chargée à laquelle nous venons d’assister. Mercredi les marchés actions ont trébuché une nouvelle fois et semblent peiner à trouver du carburant pour aller plus haut. En fait, du carburant, ils en ont presque autant qu’ils veulent puisque c’est la Banque centrale des États-Unis, la FED, qui est en charge de l’alimentation en munitions financières.
Disons que pour le moment les marchés manquent un peu de raisons d’aller plus haut. Déjà, atteindre les sommets actuels tient du miracle et de l’exercice de funambule.
Or un marché qui ne monte plus est un marché qui a une furieuse tendance à redescendre en raison de la loi universelle sur la gravité.
Ce sont les prémices de ce mouvement auxquels nous assistons actuellement.
Simple correction ou krach ?
L’avenir nous le dira. Néanmoins certains paramètres sont au rouge.
Il faut bien comprendre que depuis quelques jours les taux d’emprunt à 10 ans des États-Unis ont monté de 10% ! En quatre jours seulement, les taux sont montés de 10 % ce qui n’est pas une petite progression. Nous parlons du marché obligataire. Le marché obligataire est la « mère de toutes les batailles ». Il est central. Il impacte les parités monétaires, il impacte la Bourse, il impacte la vie économique, et évidemment la vie des gens partout à travers la planète.
Au Japon, nous assistons à un début de krach obligataire et boursier. Celui-ci commence à se propager aux USA et à l’Europe, autant le dire : au reste du monde.
Il se passe des choses étranges !
Par exemple, lorsque les marchés baissent, c’est le fameux « fly to quality »… C’est une expression de financier qui dans le langage des mecs normaux se traduirait par « sauve qui peut ». Le fly to quality consiste à aller placer son argent le plus vite possible vers les actifs les plus sûrs. En gros : je vends vite mes actions et je prends vite des obligations d’État, de préférence US puisque c’est ce qu’il y a de plus sûr.
Comme tout le monde vend ses actions en même temps, et bien vous savez quoi ? Les actions baissent.
Comme tout le monde achète des obligations en même temps, et bien vous savez quoi ? Le prix des obligations monte et comme tout le monde en veut, les taux baissent (sur les obligations la logique est inversée ce qui est logique, quand les taux d’une oblig baissent sa valeur monte…).
Comme tout le monde achète des obligations US libellées en dollars américains en même temps, et bien vous savez quoi ? Le dollar monte, ce qui veut dire que l’euro baisse !
Comme les « zinvestisseurs » sont des crétins moutonniers, pour combler leur perte sur les actions ils prennent leur bénéfice sur l’or… Et comme ils le font tous en même temps, et bien vous savez quoi ? L’or baisse.
Voilà pour la théorie normale. C’est ce qui est censé se passer à chaque fois, et comme chacun fait la même chose que le voisin tout va bien.
L’essentiel n’est pas d’avoir raison tout seul mais il est acceptable d’avoir tort avec les autres.
Bref, aujourd’hui, ce petit mode d’emploi pourtant bien huilé présente quelques petits ratés qui sont à noter et à suivre avec attention, c’est-à-dire comme le lait sur le feu car ce pourrait être des « cygnes noirs ».
Quelques cygnes noirs !
Les taux américains ont eu du mal à descendre tout au long de la journée. La baisse s’est accélérée plutôt en début de soirée avec Wall Street qui a tendance à devenir rouge pivoine.
Pourtant, l’euro aujourd’hui monte. Il ne baisse pas. Il monte. Mais que diable, l’euro devrait baisser, tout le monde devrait avoir très envie de se réfugier sur le roi dollar. Pour le moment, nous ne voyons pas de tel mouvement à l’œuvre. (Ce qui ne veut pas dire qu’il ne va pas venir. Il n’y a aucune certitude à ce stade.)
L’or devrait baisser, mais il se tient remarquablement bien (remarquez, vu ce qu’il s’est pris ces dernières semaines, ce n’est pas incompréhensible). Il se tient tellement bien qu’il baisse d’un « pouième » en dollar mais comme le dollar baisse face à l’euro… l’or monte en euro (c’est ce que l’on appelle l’effet de change).
Les hésitations de la FED autour des injections de drogue monétaire !
La seule et unique raison de ce grand moment d’hésitation, c’est les incertitudes qui pèsent sur la poursuite des injections massives de liquidités (c’est-à-dire d’argent imprimé à la demande sans création de richesse) par la FED qui a montré ces derniers temps quelques hésitations.
Il faut dire qu’il n’y a plus de bons choix pour le gouverneur Ben Bernanke. Soit il continue, et les cours de Bourse pourront monter jusqu’au ciel et pour toujours jusqu’à ce que tout soit emporté par une hyperinflation zimbabwéenne, soit il arrête (même progressivement ou délicatement ou encore avec doigté) ses bêtises monétaires, et les taux explosent à la hausse, cassant toute reprise (hypothétique) rendant les ménages, les entreprises, les banques et l’État fédéral… insolvables en quelques semaines seulement, avec à la clé un krach obligataire, monétaire et boursier d’anthologie.
Où que vous regardiez, vous ne pouvez dire qu’une chose : l’étau se resserre.
De l’autre côté de l’Atlantique et malgré un accord en négociation entre les deux, c’est notre pays, la France, qui est sous le feu de l’actualité européenne.
L’Europe exige de la France une liste de réformes !
Dézinguer les retraites, dézinguer l’interdiction du travail dominical et assouplir les contraintes autour des heures de travail (du genre, je suppose, le travail de nuit payé au prix du travail de jour, qui lui-même sera payé au prix d’un salarié chinois à terme, ou quelque chose de ce goût-là), dézinguer les professions réglementées du genre pharmacien (que l’on ruinera au passage), les chauffeurs de taxi (pas aimables mais que l’on ruinera au passage), les notaires (histoire de mettre fin à un système qui fonctionne depuis presque 3 siècles avec une efficacité redoutable permettant de garantir la propriété privée) et autres joyeusetés de ce genre.
Vous comprenez mes braves contrariens, les intérêts de notre dette nous coûtent chaque année l’équivalent de l’impôt sur le revenu payé par tous les Français, alors il faut faire des économies.
Imaginer une économie de 50 milliards d’euros tous les ans si l’on arrêtait simplement de payer les intérêts de la dette ne venant à l’esprit d’aucun mamamouchi normalement constitué, il va falloir baisser les dépenses.
Baisser les dépenses, c’est forcément tailler dans le gras de l’État-providence qui va devenir de plus en plus maigre. Mais là aussi, aucune inquiétude mes braves manants. Le gouvernement de Gôôche sera juuuuuste. Seuls les plus riches (d’ici quelques mois sera considéré comme riche celui qui a un travail même au Smic) paieront ou subiront des baisses de prestations familiales, devront se soigner tout seul, payer leurs propres retraites grâce à leurs économies et on augmentera leurs impôts afin qu’ils payent quand même les RSA qui continueront à être versés pour tenir au calme nos banlieues le plus longtemps possible.
Bref, vous l’aurez compris, en ce qui concerne l’avenir de notre pays, où que vous regardiez, vous ne pouvez dire qu’une chose : l’étau se resserre.
Alors je vais me répéter encore et encore, inlassablement, pensez à vous préparer à de grandes tribulations (potager, poulailler, conserves, et piécettes en or et argent).
Ha… ? Un instant ? Oui ? Ma femme me dit que l’indice de confiance aux États-Unis est au plus haut et que c’est une bonne nouvelle dont je ne vous ai pas parlé. C’est normal. Vous allez vite comprendre. Vous connaissez l’histoire de la dinde de Noël ? Je vous raconte, pour ceux qui ne connaissent pas ce conte enfantin (je sais, mes principes éducatifs peuvent sembler étranges mais un contrarien doit être formé dès son plus jeune âge).
« Tous les jours pendant 1 000 jours, la dinde est nourrie, engraissée. Chaque jour qui passe pendant cette période renforce la dinde dans sa croyance que demain sera identique à hier et qu’elle recevra une pitance abondante. Au bout de 1 000 jours, le degré de confiance éprouvée par la dinde atteint son paroxysme. Le soir même la dinde est tuée. Le lendemain vous la mangez dans votre assiette. »
La dinde est morte alors que l’indice de confiance de la dinde était au plus haut.
Ma femme me dit de vous dire qu’elle vient de me dire que je suis décidément indécrottable…
Où que vous regardiez, vous ne pouvez dire qu’une chose : l’étau se resserre !
Charles SANNAT
Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com
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