L’or est-il mort? Par Simone Wapler

Comme à son habitude Simone Wapler nous fait un excellent papier sur le métal jaune dont je partage bien évidemment l’analyse.

Reportez vous au lien en dessous si vous souhaitez voir les graphiques.

 

Choc mercredi 20 février : la Fed a fait savoir qu’elle pourrait arrêter d’imprimer des dollars. La cataracte du QE3 infini qui déverse 85Mds$ de liquidités par mois sur les marchés actions pourrait ne plus être… infinie.

Les marchés actions et l’or sont allés au tapis.

Pourtant, la Fed n’arrêtera pas d’imprimer. Elle ne le peut plus, et l’or, la relique barbare, n’a pas dit son dernier mot.

Pourquoi la Fed dit-elle qu’elle arrêtera ses mesures de soutien ?
Parce que cela n’est peut-être pas utile et pire, cela pourrait être nuisible.

Extrait des minutes des 29 et 30 janvier : “Un certain nombre de participants ont établi que l’évaluation de l’efficacité du coût et des risques des rachats d’actifs pourrait conduire le Comité à diminuer ou terminer ces rachats avant qu’on puisse constater une amélioration substantielle du marché de l’emploi”(1).

GKResearch dans sa note du 21 février signée Will Denyer (The Fed in The Red) fait remarquer que le doute étreint un certain nombre de participants car il y a désormais un danger clair et évident pour la Fed d’afficher des pertes. Si le QE3 se poursuivait durant 2013, la Fed pourrait basculer dans le rouge en 2015. Une partie (1 000Mds$) des actifs obligataires qu’elle détient est sensible à une hausse des taux. Or, les taux ne peuvent plus maintenant que bouger dans un seul sens : la hausse.

Fin 2012, un papier de la Fed (The Federal Reserve’s Balance Sheet and Earnings: A primer and Projections) divulgué en janvier calculait que pour éviter des pertes, il fallait arrêter le QE fin 2012.

Une Banque centrale américaine en perte pourrait ébranler la confiance du monde dans le dollar, devise de réserve mondiale. La vénération concernant les banques centrales en général et leur contrôle des monnaies fiduciaires et de l’économie pourrait s’évaporer.

Nous entrerions alors en territoire inconnu. Donc la Fed fait savoir qu’elle va arrêter ses mesures de soutien.

Le scénario de Goldman Sachs entre fiction et réalité

Fin 2012, Goldman Sachs avait prévu la baisse de l’or sur fond d’amélioration de l’économie américaine et de remontée du taux directeur de la Fed. La porosité entre Goldman Sachs et le monde politico-financier (voir Inside Job) est de notoriété publique. La reprise de l’économie américaine est la partie fantaisiste de ce scénario, mais la prévision de l’arrêt du QE lui donne de la crédibilité.

Seule une observation superficielle des chiffres peut permettre de croire à une quelconque reprise américaine. Les dernières mises en chantier de maison restent inférieures de 61% au niveau de 2006. Le chômage est toujours à un niveau élevé. Le chômage de longue durée est en progression fulgurante. Les créations d’emplois sont insuffisantes. Le PIB est surestimé du fait d’une minoration de l’inflation suite à un changement de mode de calcul entrée en vigueur dans les années 1990. La production industrielle n’a pas retrouvé son niveau d’avant-crise. La balance commerciale est toujours déficitaire. La consommation ne tient que par les 1 000Mds$ de prêts étudiants. Sans ces prêts, elle serait au niveau de 2005. Toutes les données chiffrées sont ici .

Il n’en demeure pas moins que l’annonce de l’arrêt prochain de la planche à billets et l’effondrement consécutif de l’or renforcent la crédibilité de Goldman Sachs.

Que pourrait-il se passer sans intervention de la Fed ?

Les marchés actions américains sont au plus haut, comme en 2000, comme en 2008. S’ils perdent leur soutien qui va acheter ?

 

Par ailleurs, les capitaux se retireront aussi des pays émergents. L’effet richesse va se dissiper.

La planche à billets est une drogue. Le sevrage brutal donne des crises de delirium tremens.

L’or est-il mort, fondamentalement ?

La hausse de l’or est essentiellement due à des taux d’intérêt réels négatifs dans toutes les grandes monnaies fiduciaires. Les rendements des emprunts d’Etat diminués de l’inflation sont négatifs, donc votre épargne s’évapore.

Récemment deux voix prestigieuses – Martin Wolf et Adair Turner – se sont élevées pour que la planche à billets serve à financer le déficit, c’est-à-dire l’accroissement de la dette et non plus simplement les rachats de vieilles dettes.

Toute hausse des taux d’intérêt aggrave les déficits et les finances publiques des pays développés. Le stock de dette augmente… La croissance n’est toujours pas là…

Le chemin de la facilité sera choisi par ceux qui nous ont emmenés jusque-là. Le demi-tour n’est plus possible. La création monétaire se poursuivra sous une autre forme, une autre appellation, d’autres simagrées qui feront à nouveau, un temps, illusion.

L’or n’est donc pas fondamentalement mort.

L’or est-il mort, techniquement ?

Nous sommes “contrariens”, donc, de ce point de vue, le recul actuel est pour nous plus facile à accepter que pour les autres.

 

Nous pensons dans le cycle de l’or, être en route vers l’étape maniaque et non être en route vers l’éclatement.

Uniquement pour les raisons fondamentales expliquées plus haut.

J’emprunte ce qui suit à mon collègue Alex Cowie qui travaille depuis le bureau australien d’Agora tandis que nous dormons en Europe. Nous avons la même approche fondamentale.

Voici son analyse technique à chaud.

D’abord les contrats à terme sur l’or sont en backwardation. L’or physique livré tout de suite aujourd’hui, vaut plus cher que l’or livrable demain, dans trois mois ou dans six mois.

Cela peut signifier deux choses :

l’or va baisser ;
il n’y a plus d’or physique disponible (pénurie de la “vraie chose”. Il faut savoir que l’immense majorité des contrats à terme ne sont pas débouclés, mais simplement roulés. Le détenteur ne prend pas livraison, il prend le contrat suivant).
Pour mon collègue, depuis l’Australie (proche du marché physique de la Chine), c’est la deuxième hypothèse qu’il faut retenir.

Le GOFO (comme Gold Forward Offered Rate), qui est en quelque sorte le coût de location de l’or physique, indique par ailleurs un retournement possible de l’or.

 

En rouge, le cours de l’or en dollar. En vert, le coût de location de l’or.

A chaque fois que le GOFO est tombé sous 0,2%, l’or a connu peu après un puissant rally haussier.

Et les minières ?

Le RSI (Relative Strength Indicator) est à un point historiquement bas qui indique une zone de survente. Ce niveau n’a été vu que trois fois durant la dernière décennie.

 

Sur ce graphe, en haut, en noir, le RSI et en bas le cours du tracker GDXJ des minières aurifères juniors.

“Soyez craintif quand les autres sont avides. Soyez avide quand les autres sont craintifs.” Warren Buffett.

“Une correction est toujours à la hauteur de la tromperie qui l’a précédée.” Bill Bonner

La tromperie, c’est de faire croire que les dettes peuvent s’éponger avec de la fausse monnaie. Pour la correction, nous n’avons encore rien vu… Seul l’or pourra surnager face à toujours plus de tromperie. L’or est la véritable monnaie démocratique.