L’or, ce métal jadis adoré, désormais haï. Depuis quelques semaines, la presse jette l’opprobre sur l’or, cette vieille relique qu’elle aime détester. Seuls quelques contrariens résistent. La « faiblesse » (toute relative) du cours de l’or, l’initiative « Sauvez l’or de la Suisse » qui souhaite que le pays possède 20 % de ses actifs en or, et le mouvement islamiste Daesh qui veut instaurer (restaurer) la monnaie islamique avec le dinar d’or sont les 3 éléments principaux qui ont déclenché le réveil des détracteurs.
Chute, dégringolade, fin du cours de l’or : et pourquoi pas une once à zéro ?
C’est un peu exagéré et surtout impossible. Quel que soit son cours, l’or aura toujours de la valeur, compte tenu de sa rareté. Il ne pourra pas non plus descendre trop bas, à cause des coûts de production liés à l’extraction du métal précieux qui, compte tenu de procédés de plus en plus difficiles, coûte de plus en plus cher… Nous n’allons pas disserter sur le retour d’une prochaine phase haussière de l’once (même si nous savons qu’elle est inéluctable, nous ne savons pas quand), ni sur une baisse ou une consolidation prolongée.
L’or ne brille plus aux yeux des seuls investisseurs, mais dans une optique d’épargne de sauvegarde à long terme, il ne perd rien de ses fondamentaux positifs. L’or est le garant d’un système monétaire sain, c’est donc l’ennemi des devises papier imprimées à coups de quantitative easings.
Cette baisse orchestrée, selon les soupçons de manipulation de plus en plus évidents qui pèsent sur les banques chargées de fixer le cours de l’or (HSBC, USB…), arrange le système monétaire international.
La presse moutonnière s’engouffre dans la brèche en reprenant en chœur que l’or n’arrête pas de baisser et qu’il n’est donc plus intéressant. C’est certainement vrai du point de vue des investisseurs qui spéculent sur l’or papier. Comme le fait penser cet article de Zonebourse, le dollar fera tout pour conserver son hégémonie dans le système monétaire international et maintenir le cours de l’or à un niveau plancher.
Pourquoi l’or de la Suisse déchaîne-t-il des passions ?
À l’heure où l’échéance du vote sur l’initiative populaire « Sauvez l’or de la Suisse » approche, le sujet fait de plus en plus parler, pro et anti-or.
Cet article de Rue 89/Nouvel Obs présente un historique des réserves d’or en Suisse : comment le pays a pu en accumulé autant, puis en perdre tant… En rappelant que si la Suisse occupe le 7e rang mondial en termes de détention d’or, c’est aussi le pays qui possède les plus grandes réserves d’or du monde par habitant.
Dans l’interview qu’il consacrait à la Tribune de Genève, le conseiller national UDC Yves Nidegger rappelle que « la Suisse a perdu 30 milliards à cause d’une sottise ». Le pays, connu pour sa grande stabilité économique, ferait bien de ne pas continuer de se délester trop vite de son or si elle souhaite la conserver… À la question sur les variations du cours de l’or, Yves Nidegger répond que « si on devait vivre une crise majeure de la dette bancaire et que par hypothèse l’euro ne valait plus rien, l’or vaudrait toujours quelque chose ».
Ce 14 novembre, dans Contrepoint, Ludovic Malot donne 15 (bonnes) raisons de voter oui à l’initiative populaire « Sauvons l’or de la Suisse ». L’article est long, très long, mais intéressant, et les arguments de poids, qui peuvent se résumer en une phrase : l’or lui, ne triche pas (et c’est peut-être bien ce qui dérange la Banque nationale suisse).
Cela n’empêche pas les détracteurs de l’or de vouloir « ramener le peuple à la raison ». Dans 24h.ch, le 13 novembre dernier, l’UDC Guy Parmelin (pourtant du même parti que celui qui a lancé l’initiative), déclare qu’« il serait inutile d’acheter une grande quantité d’or qui ne servirait à rien au système monétaire suisse ». « Ne tuons pas l’indépendance de la banque nationale », ajoute-t-il. Il faut bien entendu entendre par indépendance « liberté de pouvoir imprimer des francs suisses à volonté ».
Alors, sauvez l’or de la Suisse, une vraie bonne initiative ? P’t’être bien que oui, p’t’être bien que non ! Dans cet article 14 novembre, l’AGEFI semble ne pas vouloir trancher (à la Suisse quoi) : « La nocivité de l’initiative sur l’or fait consensus », mais « certains jugent cependant exagéré d’affirmer que la BNS ne serait plus en mesure de défendre le taux plancher ». Même si le oui ne passe pas, le référendum aura fait couler beaucoup d’encre et inspirera sans doute de futures initiatives de ce genre.
L’islam veut battre sa monnaie en or, l’Occident s’enflamme
On ne compte plus le nombre de titres de presse grand public ayant repris cette information : RFI, DirectMatin Metro, l’Opinion, Europe 1, L’Obs, et j’en passe… C’est finalement un article de France 24 qui sort du lot en poussant l’analyse un peu plus loin que « l’État islamique veut frapper sa propre monnaie pour être plus indépendant (et créer un nouveau califat) ». L’article dénonce l’impossibilité du projet, à cause d’une trop grande dépendance vis-à-vis des métaux précieux et d’une trop forte contre-productivité administrative. En outre, on voit mal cet « argent de voyous » circuler en dehors du territoire revendiqué par le mouvement islamiste. Le problème est justement qu’une lecture superficielle de cette information aboutit à cette conclusion, l’amalgame est vite fait entre or et monnaie des terroristes. Les hauts détracteurs de l’or pourraient trouver dans cette annonce un motif nécessaire à l’interdiction totale de faire le commerce de l’or…
Bref, même si l’or est la « valeur refuge des amateurs de chaos » dixit cet excellent article d’Amid Faljaoui (dans Le Vif), comme le rappelle le chroniqueur économique, « ce qui est gênant avec l’or, c’est que son cours ne peut vraiment exploser que si notre monde est à feu et à sang ! ». Gênant, mais une réalité qui est sur le point d’arriver. À l’échelle humaine, cela peut prendre quelques années, voire quelques mois. Oui, à ce moment-là, les détenteurs d’or physique seront peut-être les plus riches de l’hôpital ou du cimetière mais tant qu’ils ne seront pas morts, l’or pourra leur être d’un grand secours.