Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
Pour comprendre la gravité de notre situation économique, je voulais revenir sur quelques chiffres essentiels qu’il est indispensable de répéter inlassablement tant nous avons tendance à vouloir « oublier » ou occulter les choses, en particulier celles qui sont négatives.
Il est très difficile, sans s’attirer les foudres de certains, de parler des fonctionnaires, des aides, de l’assistanat ou des retraites, et d’ailleurs le simple fait d’accoler ces 4 éléments doit déjà en faire hurler quelques-uns. Ne raccrochez pas encore. S’il vous plaît. Tentons d’aller jusqu’au bout d’un raisonnement simple ensemble et encore une fois, mon propos n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais de dire qu’un fonctionnaire ne sert à rien ou ne travaille pas car c’est faux, qu’un retraité n’a pas mérité sa pension, qu’une aide est illégitime ou que l’assistanat est à proscrire.
En revanche, il y a bien un point commun entre ces catégories. Elles constituent une dépense publique ou sont les bénéficiaires de la dépense publique. Peu importe qu’elle soit légitime ou pas, que l’on souhaite l’augmenter ou la baisser, que l’on soit pour ou contre. Nous nous accorderons tous sur le fait qu’il s’agit là d’une dépense publique. C’est incontestable.
Maintenant, regardons les grands chiffres avec lucidité.
Le PIB français est composé à presque 60 % de dépenses publiques !
L’outil de mesure admis internationalement est le PIB (le Produit intérieur brut) qui, pour faire simple mais l’idée essentielle est bien là, vise à quantifier — pour un pays et une année donnés — la valeur totale de la production de richesse effectuée par les agents économiques résidents à l’intérieur de ce territoire (ménages, entreprises, administrations publiques).
Cela signifie tout simplement que l’ensemble des dépenses publiques rentrent dans le calcul du PIB.
Or, en ce qui concerne spécifiquement notre pays, au dernier pointage connu, la dépense publique française représentait très exactement 57 % de notre PIB.
Une conclusion claire s’impose immédiatement. Même en taxant 100 % l’ensemble de la richesse créée par le « privé » qui ne représente plus que 43 % du PIB total, il manquerait encore 14 % de ressources pour rendre finançable et supportable notre niveau de dépenses publiques.
Il y a seulement deux solutions
Face à un tel problème, il n’y a que deux solutions. Soit la croissance du PIB marchand, c’est-à-dire privé, est tel que rapidement la part des dépenses publiques en pourcentage de PIB diminue fortement (mais personne n’y croit et il faudrait quasiment un taux de croissance de 6 ou 7 % par an), soit on diminue la part de la dépense publique dans le PIB pour inverser la proportion et tendre vers 60 % de création de richesse privée et 40 % de dépenses publiques, ce qui reste énorme.
Petit problème… une telle solution signifie baisser les dépenses publiques d’au moins 20 % du PIB, or si l’on ampute 20 % de notre PIB, nous obtenons une récession majeure de 20 % ce qui, vous en conviendrez, est colossal… Enfin pas si colossal que cela puisque c’est exactement ce qui a été fait en Grèce.
Et ce qui a été fait en Grèce à la demande de la troïka, c’est-à-dire de la BCE, du FMI est de l’Union Européenne, l’a été fait pour les raisons exactes que je viens de vous exposer, à savoir un taux de dépenses publiques qui, dans le PIB, excède et de beaucoup la part de la création de richesse privée.
Il ne faut pas être grand économiste pour comprendre que lorsque la base taxable ne représente que 40 % de votre PIB, elle n’est plus suffisante pour financer 60 % du PIB sous forme de dépenses publiques et de redistribution.
Logiquement, à ce stade du raisonnement, nous avons tous saisi qu’il ne s’agit pas de réformette, de petits changements entre amis à apporter à notre système économique, ou encore de demander à une nouvelle commission ad hoc de nous pondre un énième rapport qui sera aussi vite enterré. Non, à ce niveau-là, vous devez comprendre intimement que le système économique français tel que nous l’avons connu est mort. Peu importe que l’on soit pour ou contre, qu’on l’aime ou pas… il faudra en faire très vite notre deuil.
Je souhaitais faire ce petit rappel technique pour nous permettre de mettre plus facilement en perspective cette information du jour concernant le nouveau « dérapage » de notre déficit public qui, lui, ne prend en considération uniquement la partie « dépenses d’État » puisque les dettes sociales ne sont pas comptabilisées dans ce déficit public.
France : dérapage attendu du déficit à 3,8 % du PIB en 2014 puis 3,7 % en 2015
C’est donc une dépêche de l’AFP qui nous apprend que la France « ne parviendra pas à passer en dessous des 3 % de déficit public en 2015, avec un déficit de 4,1 % du PIB cette année, 3,8 % l’an prochain et 3,7 % en 2015, malgré une embellie pour la croissance, selon les prévisions économiques de la Commission européenne ».
Retenez donc que notre déficit sur 2013 sera d’au moins 4,1 % du PIB.
« Au rang des bonnes nouvelles, la Commission prévoit désormais une croissance de 0,2 % pour la France cette année, contre une récession lors de ses prévisions de printemps (-0,1 %). Pour 2014 et 2015, elle anticipe une croissance de respectivement 0,9 % et 1,7 %, exactement conforme aux prévisions de Paris. »
Maintenant, retenez que notre croissance sera de 0,2 % (youpi tralala, sortez trompettes et tambours, et sonnez la bonne nouvelle au peuple, le pays est en croissance et plus en récession).
100 000 emplois d’avenir, cela fait combien de pourcentage de croissance ?
Soit 100 000 emplois d’avenir correspondant à une dépense à la louche de 30 000 euros par an (certains avancent le chiffre de 25 000 euros par an et en réalité, personne ne sait encore combien ce dispositif va coûter).
Nous obtenons un montant total de 100 000 que multiplie 30 000 = quelque chose comme environ 3 milliards d’euros de nouvelles dépenses publiques.
Soit un PIB français de 2 000 milliards d’euros (en gros) qui augmenterait de 0,2 % de croissance cette année et vous obtenez une augmentation de notre PIB de 4 milliards d’euros (2 000 que multiplie 0,2 % de croissance = 4 milliards).
Sur l’augmentation de 4 milliards de notre richesse collective (le PIB), nous savons donc que 3 milliards sont liés aux emplois d’avenir et à une nouvelle dépense publique.
Pour le milliard restant, vous avez le choix. Prenez l’ensemble des revalorisations, que ce soit des salaires des fonctionnaires (dont le salaire d’un sur deux augmente cette année) ou des retraités (mes parents étaient tout surpris de voir leur pension augmenter de largement plus que 0,1 % en cours d’année) et vous obtenez largement votre explication concernant la fausse croissance française affichée.
Le concept de fausse croissance
Personne ne l’explique. Personne ou presque hormis quelques rares farfelus rentrent dans le détail de ce type de calcul. Mais bon sang, c’est pourtant simple et à la portée de tous concitoyens ! Il suffit juste de prendre le temps de poser les choses et d’expliquer.
La fausse croissance, vous l’aurez donc compris tout seul, c’est le fait de faire croire que notre pays connaît une croissance économique alors que cette augmentation de la richesse est le fait de dépenses publiques nouvelles pour lesquelles nous n’avons pas l’ombre du premier centime pour les financer.
Si vous voulez le véritable chiffre de la croissance dans notre pays, allez regarder l’évolution de la production industrielle qui est une excellente approximation (très forte corrélation historique) de la croissance du PIB marchand (c’est-à-dire privé mais qui est une statistique qui n’est plus calculée….). Nous sommes plutôt en récession de 2 à 3 %, ce qui veut dire que l’année prochaine ce ne sera plus 43 % pour le privé mais 40 % et donc la part de la dépense publique ira encore plus haut et dépassera vraisemblablement les 60 %… Autant dire qu’à ce niveau, c’est le coma dépassé pour l’économie de notre pays.
C’est donc de la croissance uniquement à crédit.
C’est une croissance qui se fait sur une promesse d’impôts futurs encore plus élevés.
C’est une croissance qui repose sur de la dette et sur de l’argent que nous n’avons pas et que nous sommes dans l’impossibilité d’avoir puisque encore une fois, le PIB privé ne représente plus que 43 % du PIB total. Notre situation n’est donc pas redressable avec ou sans l’euro, avec ou sans l’Europe, avec ou sans la mondialisation, avec ou sans la répudiation de la dette, avec ou sans la loi de 73, avec ou sans un nouveau glass steagle act, avec ou sans système financier hypertrophié.
Nous devons comprendre collectivement que c’est tout le système, dans son intégralité, qui doit être reconstruit sur de nouvelles bases qui devront nous éviter de recommencer les mêmes erreurs (point sur lequel l’histoire nous enseigne qu’en quelques générations nous oublions très vite les errements de nos prédécesseurs pour mieux recommencer les mêmes bêtises mais en plus modernes et en général en plus graves).
C’est pour cette raison qu’il est impératif de mobiliser le peuple français sur un grand projet économique et politique de reconstruction (et pas de réforme) total qui intégrera l’ensemble des composants cités plus hauts, à savoir un défaut partiel, une reprise en main de notre souveraineté monétaire mais également politique, une fiscalité environnementale pour impérativement favoriser les productions locales et les cycles courts, une refonte de notre système bancaire afin que les banques soient au service de l’économie et ne fassent plus peser de risques systémiques sur notre pays, une approche beaucoup plus « autrichienne » de notre monnaie et de notre endettement qui est une notion devant être bannie du discours public, la dette publique a toujours mené les nations à la catastrophe. Nous pourrions même envisager pour nos créanciers un retour à meilleure fortune pour montrer que dès que nous nous redresserons en tant que peuple responsable, nous paierons nos engagements, mais nous ne ferons rien de tout cela.
Nous sommes partis pour l’effondrement, pour une austérité à la grecque où nous allons de force être contraints de réduire nos dépenses publiques. Au bout du compte, nous serons encore plus insolvables et je contemple cette chronique annoncée de notre effondrement économique avec une infinie tristesse alors que nous pourrions faire autrement.
À titre individuel, il faut vous préparer, encore plus si vous êtes un bénéficiaire de la dépense publique. Si vous êtes fonctionnaires, retraités, chômeurs, au RSA bref, si vous dépendez de l’État pour votre niveau de vie, vous devez considérer dès à présent que l’État sera prochainement défaillant… et ce jour-là, que ferez-vous ?
Restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez-bien !!
Charles SANNAT
Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com.
Dépêche sur le dérapage des déficits
INSEE sur la production industrielle