Tout est-il monnaie ? Les monnaies les plus insolites

Une monnaie est une unité, un étalon de valeur accepté par le plus grand nombre au sein d’une communauté comme moyen d’échange. À partir de cet accord, tout peut désigner une monnaie comme telle. Du sel aux Titcoins, nous passerons en revue les monnaies les plus insolites depuis l’histoire du commerce. Nous verrons aussi ce qu’est une bonne ainsi qu’une mauvaise monnaie et pourquoi l’or est l’une des plus anciennes et meilleures monnaies depuis 6 000 ans.

Qu’est-ce qu’une monnaie ?

Dans son livre De l’innovation monétaire aux monnaies de l’innovation, Jean-Michel Cornu explique que pour qu’une monnaie fonctionne, celle-ci doit remplir 3 rôles :
– celui d’unité de compte : elle doit exprimer une valeur qui sert aux calculs comptables et économiques,
– celui de stockage de valeur, qui permet de conserver du pouvoir d’achat dans le temps,
– celui d’intermédiaire dans les échanges : cette fonction de standard d’échange permet d’acheter et de vendre à un moment ultérieur à celui du troc.
Ensuite, afin qu’une monnaie puisse « prendre », il faut qu’il y ait un contrat tacite de confiance entre l’émetteur et l’utilisateur. C’est le sens d’une monnaie fiduciaire ou dite de confiance.

L’un des premiers « outils » à avoir servi d’unité de mesure a été le troc, une révolution dans l’histoire du commerce puisque l’homme passe d’une action unilatérale à un accord gagnant-gagnant. Mais le système montre vite ses faiblesses car il est plus ou moins équitable.
Le sel est le premier produit d’échange universel, rare, divisible et indispensable à la conservation des denrées.

Jusqu’à la frappe des premières pièces en métal, il n’y avait qu’un pas à franchir. Très prisés pour leur rareté et leur production exigeante, les métaux précieux comme le bronze, le cuivre, l’argent et surtout l’or deviennent le moyen de change incontournable du commerce.
De par leur malléabilité, on peut donner à ces métaux la forme et le poids désirés. Une fois fondu dans un moule en terre, la forme naturelle qui se dessine est un rond. Puis on les frappe d’un symbole, ou à l’effigie d’un roi afin d’établir une reconnaissance universelle de la pièce.
Voilà en gros ce qui continue de caractériser une pièce en métal : la valeur de son composant, la forme ronde, et la frappe à l’effigie d’une nation.
Sauf que tout au long de l’Histoire, quelques monnaies se sont échappées de ce schéma classique tout en conservant ce rôle de monnaie d’échange.

Des monnaies anciennes originales

Des monnaies non métalliques

En Micronésie, il existe un moyen de paiement qui circule (façon de parler) toujours depuis des siècles, pour ne pas dire plus : les pierres en roche d’aragonite de l’île de Yap (le « rai »), pouvant faire jusqu’à 4 m de diamètre et peser 15 tonnes.
Vous pourrez lire au cours de cet article passionnant comment de simples pierres ont acquis autant de valeur auprès des habitants. Le plus étonnant avec cette encombrante monnaie est que les transactions s’effectuaient à partir de cette pierre sans que celle-ci se déplace, malgré le changement de propriétaire. L’anecdote la plus frappante à ce sujet est celle d’une riche famille de l’île qui possédait une énorme pierre que personne n’avait jamais vu du fait qu’elle avait coulé au fond de la mer. Personne n’avait jamais mis en doute la véracité des assertions de la famille : une vraie monnaie de confiance !

Dans le même ordre d’idée, la province chinoise de Jiangsu utilisait des plaquettes de bambous à la fin du XIXe et au début du XXe siècle comme monnaie, apprend-on sur le site monnaiesdumonde.net. Un support sans valeur, celle-ci résidait en fait dans le (re)nom de la société émettrice gravée sur les plaquettes.

Dans l’Antiquité, des jetons de matières et de motifs divers servaient aussi de monnaie d’échange. On a ainsi retrouvé les premières « monnaies porno » : des tessères (tessera, jetons) de nature très spéciales qui servaient de laisser passer dans les antiques bordels de Rome. Pas question de payer avec une pièce à l’effigie de Jules César !
Ces « tessères spintriennes » (jetons dédiés à la débauche), de très bonne facture en pâte de verre, donnaient droit à l’entrée dans une maison close probablement réputée.

Des monnaies métalliques

On retrouve des spintriae de plomb jusqu’en Angleterre. Ces monnaies « très locales » avaient un usage dédié aux lieux de plaisir. Vous pourrez vous repaître de monnaies pornos métal de l’Antiquité au début du XXe siècle, dans cet excellent dossier de lavoiedubitcoin.info.

Dans un genre moins coquin mais tout aussi original, le blog numismatique cgb.fr nous fait découvrir les monnaies « gouttes » russes. Ces monnaies frappées entre le XVIe et le XVIIIe siècle se caractérisent par leur petite taille, leur minceur et leur forme irrégulière, d’où leur surnom de goutte. Il s’agissait à la base de fils d’argent ou de cuivre roulé puis fondu.

Dans son ouvrage sur La Fiscalité des métaux précieux, Yannick Colleu fait mention de pièces à cours légal de formats vraiment atypiques, comme le lotus lunaire de 15 $ canadien, les pièces cylindriques en argent des îles Cook, ou encore la pièce de 15 $ australien de forme rectangulaire.

On peut voir sur ce blog d’autres formes de pièces originales : carrés, hexagones, heptagones, octogones…

Les monnaies modernes atypiques

Les Mints actuelles (maisons de la monnaie qui frappent les pièces) ont surfé sur les traces de ces monnaies métal de format original pour laisser libre court à leur imagination… et à leur mauvais goût.

C’est ainsi que sont nées les pièces dinosaure fluorescentes (je vous défie de payer votre baguette avec), les « pièces d’investissement » Hello Kitty et autres pièces gadget de ce genre.

Si vous voulez en avoir plein les yeux, vous pouvez voir d’autres phénomènes de pièces insolites sur le site tresordupatrimoine.fr.

La plupart de ces pièces sont destinées à une cible marketing de collectionneurs et d’enfants… Bien qu’elles puissent représenter un intérêt en termes d’investissement lorsqu’elles sont composées de métaux précieux, elles sont souvent survendues avec une cote de départ généralement élevée du fait de leurs motifs « extravagants ». Donc peu intéressantes en fait, et vite démodées…

Enfin, qui a dit que l’argent n’avait pas d’odeur ? Certainement pas la Monnaie de Palau qui frappe des pièces parfumées à la noix de coco ou brise marine.
Si l’argent (la plupart du temps) n’a pas d’odeur, parfois elle est carrément invisible. C’est le cas des crypto-monnaies.

Les monnaies dématérialisées (ou crypto-monnaies)

Le XXIe siècle aura connu l’avènement des crypto-monnaies, des monnaies électroniques en pear-to-pear hors-circuit bancaire qui utilisent la cryptographie pour valider les transactions et créer de la monnaie virtuelle. Les transactions elles, sont bien réelles. La plus connue est le Bitcoin, monnaie alternative par excellence mais très sujette à spéculation.

Cela n’a pas empêché la start-up Xapo de lancer une carte de crédit dédiée aux Bitcoins d’ici à deux mois.

La folie Bitcoin ne s’arrête pas là. Pour surfer sur le succès du Bitcoin, le site pornographique Pornhub s’est offert un bon coup de pub en lançant l’idée du Titcoin. On dit « payer en monnaie de singe » pour désigner une monnaie sans valeur, mais saviez-vous que l’on peut désormais payer en monnaie de seins ?
L’idée consiste à payer auprès des commerçants équipés en montrant ses seins qu’il suffit à ces dames de photographier et de transférer au vendeur. L’application Titcoins ne verra (hélas) sans doute pas le jour du fait qu’elle est assimilée à de la prostitution.

Ces monnaies, rares et alternatives, ne font pas pour autant de « bonnes monnaies ».

Qu’est-ce qu’une bonne monnaie ?

En effet, nous avons vu en début d’article les caractéristiques d’une monnaie, mais qu’est-ce qu’une bonne monnaie ?

Cette histoire, co-écrite par Louis Baudin et Jean-François Faure, illustre à merveille les vertus d’une bonne monnaie. Si dans un contexte quasi post-apocalyptique l’œuf remplit les trois fonctions d’une monnaie, en revanche, sa fragilité et son caractère périssable n’en font pas un parfait instrument de réserve de valeur à long terme.

Une monnaie doit être une valeur dans laquelle on puisse se réfugier en cas de crise, d’années de déflation puis d’inflation massive, comme décrit dans l’histoire de l’œuf.

Ce qui fait par exemple la valeur d’un Napoléon or plus d’un siècle après sa frappe, c’est qu’il est constitué d’or, un métal inaltérable qui sert de monnaie d’échange depuis des millénaires, que sa valeur est établie et indexée et qu’il bénéficie d’une reconnaissance mondiale.

Les monnaies atypiques représentent un intérêt pour le collectionneur, leur valeur peut être inestimable avec le temps, et les monnaies virtuelles représentent un intérêt dans la mesure où elles sont hors-circuit bancaire, mais ce ne sont pas de bonnes monnaies pour autant. Si ce ne sont pas des moyens de paiement périssables ou reconnus dans le temps, ces monnaies ne sont pas échangeables contre des biens de consommation courante en temps de crise, comme le sont l’or et surtout l’argent.

Nous n’avons pas évoquées les monnaies locales dans ce dossier pour maintes raisons, notamment parce qu’elles sont devenues banales et parce qu’elles ne sont en fait que des « sous-euros » à l’échelle locale.

La Vera Valor est l’exemple d’une bonne monnaie atypique. Cette pièce aux caractéristiques hors du commun est une monnaie refuge par excellence. Cette pièce-lingot possède un QR code sur son revers qui permet d’authentifier la pièce et la rend infalsifiable. C’est la seule au monde à disposer d’un tel procédé. Issue de la « Clean extraction », elle est composée à 100 % de l’or vert avec un titre exceptionnel de 999.900 ‰.

Vous avez bien compris que l’or revêtait à nos yeux toutes les vertus d’une bonne monnaie. Mais est-il encore possible de d’effectuer des transactions avec de l’or ?

Payer en or, c’est possible !

Au sujet de l’or comme moyen de paiement, Yannick Colleu, le spécialiste de la fiscalité des métaux précieux, écrit à ce sujet : « Un moyen de paiement légal est un objet, métallique, en papier, en bois ou en ce que l’on veut, auquel un État souverain octroi un pouvoir particulier par un acte souverain. Ce pouvoir lui confère la capacité à annuler légalement une dette entre citoyens, voire l’obligation d’être reçu en annulation d’une dette. Que ce moyen de paiement soit en cuivre ou en or, rien n’y change ? Que ce moyen de paiement soit en circulation courante ou en circulation restreinte rien n’y change non plus. »

Pour autant, il est actuellement possible d’effectuer une transaction courante directement en or ou en argent. Mais il existe des systèmes ingénieux comme la VeraCarte qui permettent de payer avec une carte de paiement adossée sur un compte alimenté en or physique.

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